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Sex Star Wakamatsu

Parue au milieu des années 70, Sex Star System était une revue de qualité consacrée au cinéma érotique, sous l’égide de Jean-Pierre Bouyxou, encyclopédie vivante de toutes les pelloches où il est question de culs et de nibards. A titre de comparaison, c’est un peu la version rose de Midi-Minuit Fantastique, avec des articles de passionnés éclairant les lecteurs de leurs lumières sur des sujets pour lesquels la documentation devait être rare. Les articles touchaient à l’érotisme quelle quoi sa provenance sa géographique, et donc, on le devine, c’est tout naturellement que l’on pouvait tomber sur des articles fleurant bon le thé vert et la sueur de bijin. Ainsi le n°14 qui commence de la manière la plus agréable qui soit avec la délicieuse Laura Antonelli :

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Parmi ses œuvres maîtresses, je vous conseille Ma Femme est un violon et Malizia

Mais pour peu que l’on arrive à se détacher du sourire angélique et des globes d’amour de Laura, on apercevra peut-être, sur la gauche, un intéressant programme : « interview de Koji Wakamatsu ». A vrai dire, pas grand chose à se mettre sous la dent, surtout après l’interview de Wakamatsu dans Midi-Minuit Fantastique. Mais enfin, six années après cette interview, il était bon d’en sortir une nouvelle pour rappeler au bon souvenir des amateurs d’érotisme sortant des sentiers battus, l’existence de ce stakhanoviste du pinku contestataire. Avec en prime de belles photos couleurs en pleine page. Bref, pour une malheureuse pièce de 10 francs, on avait les nibes de Laura et une interview de Koji. On a beau dire, mais les années 70, c’était quand même la classe !

Koji Wakamatsu midiminuiste

Quand il n’y a pas trop d’idées d’articles, il y a toujours la possibilité d’ouvrir la vieille malle numérique dans mon grenier pour y exhumer des documents rares et précieux. Les « midiminuistes » le savent, la rareté de la vieille revue Midi-Minuit Fantastique est devenue relative puisque les éditions Rouge Profond ont décidé, grâce à l’excellent travail de restauration de Nicolas Stanzick et Michel Caen, de ressortir l’intégralité de la collection sous la forme de lourds et somptueux recueils :

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Je possède les deux, je vous assure qu’ils sont du meilleur effet dans une bibliothèque.

Le volume 2 s’achève sur le numéro double 10-11, autant dire que l’on va devoir attendre encore un peu avant de voir rééditer ce numéro :

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Le n°21 d’avril 1970.

A priori l’ultime recueil (le 4ème volume) devrait paraît en 2017 mais comme le troisième, supposé sortir en octobre 2016, ne montre toujours pas signe de vie dans les rayons des libraires, ça sent un peu le méchant retard (je crois me souvenir qu’il avait fallu attendre un peu entre le tome 1 et le tome 2).

Bref, en attendant allons pour aujourd’hui à l’essentiel car, vous l’aurez compris avec le titre de cet article, ce n°21 possède rien moins que dix pages consacrées à Koji Wakamatsu. Il s’agit en fait d’une interview dans laquelle le réalisateur parle des conditions de tournage, de la censure, de l’importance accordée à l’image plutôt qu’au dialogue, etc. Evidemment, depuis 1970 les amateurs éclairés de cinéma japonais ont eu le temps de connaître le bougre a travers d’autres ouvrages ou une pléthore de sites spécialisés, reste qu’il est intéressant de voir qu’en 1970 certains passionnés s’étaient démerdés pour approcher le maître du pinku contestataire. Voici donc les scans de l’article. Pour autant que je m’en souvienne, je crois qu’ils venaient du blog bxzzines.blogspot.fr, blog hélas en état de vie végétative. Que son propriétaire en soit néanmoins remercié.

Dernière chose : pour en, apprendre plus sur la revue Midi-Minuit Fantastique, je signale ces deux émissions de Mauvais Genres qui lui sont consacrées :

Rudyard Kipling sur France Cul

Au cas où vous ne le sauriez pas, 2011 est l’année Kipling et France Culture lui a récemment rendu hommage. « Et alors ? me direz-vous, qu’est-ce qu’on en a à carrer ? ». On en a à carrer ceci : Kipling n’est pas que l’immortel romancier qui écrivit le Livre de la Jungle et qui fut un des précurseurs de la S-F, celui qui fit dire un jour à Henry James :

« Kipling me touche personnellement comme l’homme de génie le plus complet que j’aie jamais vu ».

Bien avant cela, il fut un jeune homme qui entreprit de faire un voyage à la Lucien de Rubempré pour aller vivre dans une des glorieuses capitales littéraires d’Europe, Londres. En bisbille avce le journal dans lequel il travaillait (The Pioneer), il décida en 1889 d’utiliser sa prime de licenciement pour mettre son projet à exécution. Ah ! J’ai omis de préciser que Kipling n’habitait pas alors à Sainte-Geneviève-des-Landes mais au Rajasthan. Et plutôt que d’aller vers l’ouest, il préféra faire un détour pour les States où il serrera d’ailleurs la louche à Mark Twain. Direction : Frisco. Mais avant cela, comme l’homme était manifestement désireux de faire le voyage de sa vie avant de se fondre dans sa carrière d’écrivain, il en profita pour faire un crochet par… le Japon, évidemment.

Le choc est total et absolument enchanteur. Kipling est d’emblée émerveillé par l’âme de ce pays et se prend l’envie de croquer sur le vif des instants de ses pérégrinations au Japon. Il en est ressorti un livre, les Lettres du Japon :

Je ne l’ai pas lu, mais l’adaptation que vient d’en faire France Culture à travers une fiction radiophonique m’en a clairement donné envie. Comme toujours, on y retrouve les qualités de la maison : excellence des lecteurs, mise en scène sobre mais efficace, qui sait créer avec deux-trois effets une ambiance. Entre deux passages de narration, vous fermez les yeux et vous entendez alors des chansons traditionnelles qui vous donnent l’impression d’être plongé dans le Japon de l’ère Meiji en compagnie d’un merveilleux guide, un touriste incisif et amusé nommé Kipling. De quoi passer un dimanche après-midi dépaysant.

La fiction (en 5 parties), se trouve ICI.

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Pendant que j’y suis, et avant d’aller prendre l’apéro, je vous signale actuellement dans les kiosques la présence de ce magazine :

Avec ce bon vieux Paulo en couverture.

Je dis « magazine » car il faut bien l’avouer, Polka n’est pas ZOOM et ne mérite pas comme elle le titre de « revue », plus classieux dans mon esprit. Mais enfin, on y trouve toujours des choses intéressantes à picorer, notamment dans ce numéro d’été où l’on a 24 pages sur le Japon. Le premier article livre quelques photos de Kosuke Okahara de l’enfer de Fukushima ainsi qu’un texte intéressant de Claude-Marie Vadrot, journaliste-reporter aguerri aux dangers du terrain mais qui raconte comment le courage n’a plus lieu d’être dès qu’il s’agit de faire face à l’atome.

L’autre article est ZE article de ce numéro : un portfolio de 14 pages consacré au grand Daido Moriyama! On y trouve notamment une photo en double page une photo volée de Japonaises dans un bain public assez excquise. En bonus, un texte limpide de Jean-Kenta Gauthier retraçant la carrière et la spécificité de l’oeuvre de Moriyama. Bref, tout cela vaut bien 5 euros.

À propos d’un vieux numéro de GÉO

Quand je cherche ce qui a provoqué en moi ce virus pour le Japon, je n’ai pas à chercher trop longtemps. Ce n’est pas très original, je n’ai que l’argument du manga et de l’animation comme prémisses puis comme catalyseurs à une envie de découvrir ce pays. Cela n’a pas toujours été, il y a eu des périodes d’éloignement, de lassitude voire de dédain vis-à-vis de cet intérêt. Mais ce dernier est toujours revenu plus prononcé que jamais et a fini par s’installer définitivement.

Merci aux mangas et aux dessins animés donc (et puis, quand même ! au cinéma). Et pourtant, en tombant dernièrement sur un magazine chez un bouquiniste, je me suis demandé si mon intérêt ne devait pas non plus quelque chose à cet ouvrage :

Ce magazine, c’est le n°49 de GÉO, publié en mars 1983, et comprenant un reportage de 40 pages sur le Japon moderne. C’est l’époque des débuts de ce magazine qui, alors qu’il venait d’achever sa quatrième année, était en vogue et s’affichait déjà comme le magazine de voyage incontournable. J’ignore où il en est maintenant mais à l’époque, j’ai souvenir d’un photojournalisme de qualité. En tout cas percutant aux yeux d’un gamin qui allait à l’école primaire. À l’époque, mon paternel avait été séduit par le mag et s’était abonné. Habitant alors dans un échantillon de la cambrousse bretonne, j’aimais bien cette fenêtre mensuelle sur le monde, tout ne me parlait pas mais il y avait toujours un reportage qui pouvait m’intriguer voire me laisser une vive impression ; aujourd’hui encore, je suis surpris, lorsque je tombe sur des vieux numéros au hasard d’une brocante ou sur l’étale d’un bouquiniste, de voir combien les photos de couverture me paraissent familières.

Il en a été ainsi lorsque je suis donc tombé récemment sur ce n°49. Je me suis aussitôt rappelé de ce visage lunaire en couverture. Et quand j’ai ouvert le mag, je suis tombé sur ça :

Street shooting conceptuel dans le Roppongi  des 80’s ! Moi, je kiffe.

Double page familière, oui. Mais pas dans le même sens que d’autres articles de GÉO. Familière parce que je me suis alors souvenu combien mes yeux d’enfant s’étaient écorchés à parcourir encore et encore ce fascinant reportage. Je n’ai aucun souvenir du texte que je n’avais vraisemblablement pas lu. Pas de regret, en le lisant aujourd’hui je m’aperçois qu’il n’y a guère de changements par rapport à aujourd’hui en ce qui concerne les thèmes abordés et ce que l’on en dit. Mais pour ce qui est des photos, j’ai été soufflé de voir comment la moindre image s’était inscrite dans ma mémoire. Je n’ai pas souvenir d’un reportage de GÉO aussi riche en photos. Pas loin de 70 images vous sautent à la gueule, le mot n’est pas trop fort, tant on a l’impression en feuilletant les pages de voir défiler un gigantesque Luna Park. « Mais c’est quoi ce pays ? » me suis-je sûrement demandé devant ces situations, ces trognes, ces accoutrements hors norme. Ici un couple dans un love hotel se jetant un coussin avant de passer à l’acte, là une geisha jouant au bowling. Et encore un sumo levant la jambe face à une grosse voiture, comme prêt à lui pisser dessus, un scène d’hanami bourrée jusqu’à la gueule de Japonais piqueniquant, des salary men s’entraînant en masse au golf, des catcheuses s’agrippant dans la boue, des employés faisant des exercices de gym avant de se mettre au travail, des enfants à des cours de piano, des enfants à des cours de calligraphie, des punks, des épouses dociles, des manifestants, des rockers, des courbettes, des buildings, des lumières. Et une imparable fascination pour le lecteur, a fortiori quand il n’est qu’un écolier qui en est encore à mater Téléchat en bouffant sa tranche de Nutella pour le goûter. Remarquez, je dis ça, mais c’était cool Téléchat.

Et Léguman for ze ouinne!

Difficile de dire quelle trace ce numéro a pu laisser dans mon esprit et surtout s’il a joué une part dans ma passion pour le Japon. Mais quand je pense à mon goût quasi exclusif pour la photographie exercée là-bas – et en particulier dans les villes, je ne peux m’empêcher de faire un lien. Si je goûte volontiers à une ballade dans des coins champêtres ponctués d’improbables torii et recouverts du bruit assourdissant du chant des grillons, je préfère l’ivresse du maelström humain qu’offrent les villes japonaises. Et pas forcément besoin de le comprendre dans ses spécificités, ses contradictions : la capter avec un objectif suffit largement à mon bonheur. Il en va de même avec ce kaléidoscope de quarante pages : une jubilatoire claque dans la gueule. Peut-être clichée maintenant tant on l’habitude de peindre le Japon comme le pays de tous les excès.  Mais il y a 25 ans, c’était sans nul doute puissamment exotique. Si on m’avait dit à l’époque que ce serait plus tard d’une familiarité de tous les instants…