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Mika Madoka’s baby

Mika Madoka : Wet Fingers
Mika Madoka: Yubi o nurasu onna – 美加マドカ 指を濡らす女
Tatsumi Kumashiro – 1984

Encore un film de Kumashiro sur la dure vie d’une strip-teaseuse. Et finalement encore un roman porno accrocheur, même si ce titre peut paraître un cran au-dessous de films ultérieurs. On y suit le dilemme de Kimiyo, strip-teaseuse qui, comme l’indique le titre original, fait sur scène des choses magiques avec ses doigts. Elle a du succès auprès des meutes mâles et salivantes qui viennent l’admirer, mais aimerait bien passer à autre chose, par exemple devenir idol pour susurrer des chansons sucrées. Moins fatigant et plus habillée, elle risquerait moins une fluxion de poitrine à tout moment.

Même si elle fait bien tout pour en avoir puisqu’elle est dans son appartement 90% du temps en tenue d’Ève. Pas sérieux, ça.

Surtout, elle aimerait y voir plus clair concernant sa vie privée qui est partagée entre deux hommes : l’un, Shun, est un acteur prometteur, tellement prometteur qu’il va recevoir à Cannes la Palme du meilleur acteur. Le problème est que le type est du genre chaud lapin et qu’il ne voit dans Kimiyo qu’une femme übersexy avec laquelle il est sympa d’avoir des passades de temps à autre.

Shun, en voyage d’affesses après son prix à Cannes. Phallocrate 100% Adèle Heanel disapproved mais c’est pas grave, chambre tatamisée, yukata, gestion de la posture et du coup de téléphone, j’apprécie le style.

L’autre amant, Yûji, est assez joli garçon et aime profondément Kimiyo. En un mot, elle est sa déesse et il est prêt à tout sacrifier pour lui rendre service, à commencer par s’occuper de l’adorable bébé qu’elle trimbale comme une malédiction pour le bon déroulement de sa vie et de sa carrière.

Kumashiro ose le bébé trognon dans un de ses films !

Bien plus choupinou que le bébé de Rosemary, ce bébé joufflu n’est d’ailleurs pas loin d’être le principal personnage du film. C’est que ça a toujours une forte présence, un bébé à l’écran, et celui-ci tout particulièrement. Devenu véritablement homme au foyer pour rendre service à Kimiyo et surtout pour avoir l’occasion d’être au maximum près d’elle (quand ce n’est pas à l’intérieur d’elle, doux moment qu’il a maintes fois l’occasion de reproduire), Yuji va s’occuper du poupon lorsqu’il ne s’occupera pas du plaisir de sa déesse.  Cela donne lieu à des transitions un rien surprenantes, par exemple un nettoyage de couche entre deux scènes à poil ou encore un changement de couche sur un lit encore tout chaud de certains ébats conjugaux.

D’un point de vue sonore, ce sont des pleurs de tous les instants. Alors que Yuji et Kimiyo prennent un bain ensemble, un cri du bébé dans la maison rappelle illico Yuji à son instinct maternel pour aller voir tout de suite si bébé va bien. On devine assez bien ce que symbolise ce bébé qui aurait besoin d’un peu plus de cohésion parentale. Dans l’inconscient de Yuji, il est en tout cas l’incarnation de son désir de fonder une vie stable, un foyer avec Kimiyo. Mais pour cela, il faudrait que cette dernière parvienne à oublier Shun et là ce n’est pas gagné, surtout avec son foutu caractère. Si vous n’appréciez pas forcément les roman porno BDSM dans lesquels des personnages féminins se font quelque peu malmenés, sachez que là, c’est tout l’inverse qui se produit. Yuji se fait littéralement marcher sur la gueule par sa déesse et se fait même à un moment foutre dehors à coups de pied au cul. Ce n’est pas non plus la Vénus à la fourrure mais on n’en est pas loin.

Entre deux tartes dans la gueule, Kimiyo sait tout de même se faire câline.

A noter que la « Mika Madoka » du titre est le nom de l’actrice jouant Kimiyo, dans la vie réelle une véritable strip-teaseuse. Pas une actrice de métier donc mais ce n’est pas grave, il y a dans ses nombreuses éruptions de colère quelque chose d’aussi agaçant que réjouissant. Et concernant la plastique, il n’y a rien à y redire, voir Mika Madoka se trémousser sur scène dans les années 80 devait valoir le détour. A apprécier en tout cas sans modération puisque la bijin n’a joué que dans ce film, merci Kumashiro d’avoir fréquenté plein de lieux sulfureux pour dénicher cette perle !

KUMASHIRO – Attends, tu sais que tu as du potentiel cocotte ? Je vois bien un film qui s’intitulerait euh, attends, je cherche… voilà : Mika Madoka les doigts humides !

MIKA – Euh, je ne sais pas si…

KUMASHIRO – Tu déconnes ? Ça va faire un tabac ! Amène-toi demain au bureau de la Nikkatsu, je te prépares recta un contrat !

C’est d’ailleurs le moment d’imaginer ce que pourrait donner un making of du film…

KUMASHIRO – Bon, dans cette scène tu promènes bébé dans la poussette. C’est une des rares scènes habillées du film, profite bien de ton imper car après tu vas cailler, c’est 90% de  scènes dénudées.

 

KUMASHIRO – Alors voilà, tu pelotes Mika avant que celle-ci se mette en pétard et te défonce la gueule à coups de tatane. Tu es prêt, on le fait en une seule prise !

TAKASHI NAITO – Euh attends, on ne peut pas changer un peu le script ?

KUMASHIRO – Impossible, cette scène est la pierre angulaire de l’histoire !

MIKA – Oh ! Qu’il est chou !

KUMASHIRO – Prends-le le plus souvent dans tes bras pour le cajoler. Il faut que tu aies très vite une montée de lait pour une scène finale à laquelle j’ai pensé.

MIKA – Hi hi ! t’es con !

KUMASHIRO – Non non, je ne déconne pas.

KUMASHIRO – Quand tu fous une mornifle à Yuji, n’hésite pas à y aller franchement, comme ça, paf ! avec le plat de la main, les doigts bien raides, bien fort !

Pour compléter cette section bonus de l’article, évoquons enfin cette curiosité :

Oui, quand on voit Mika Madoka chanter lors d’une scène, il est très probable qu’il s’agisse d’une chanson provenant de ce LP. Chanteuse, actrice, strip-teaseuse (et gravure idol ! j’ai vu qu’il existait un photobook tout à sa gloire), décidément une bijin pleine de ressources que cette Mika Madoka qui aura bien mérité son gâteau d’anniversaire à la fin du tournage :

KUMASHIRO – Joyeux anniversaire Mika chan ! J’en profite d’ailleurs pour te parler de mon prochain projet : « les doigts humides dans la froidure d’Hokkaido ». Ça te dit ?

MIKA – Ça va aller, je vais me limiter à la chanson maintenant.

Mika Madoka : Wet Fingers a été édité au Japon dans une chouette copie blu-ray. Dommage que l’éditeur Elephant ne l’ait pas intégré dans son récent coffret de dix films consacré aux roman porno. Peut-être un jour pour un deuxième volume ?

7,5/10

 

Une belle-fille aux dents aiguisées

Afin de bien commencer la lecture du premier article pinku de l’année, je vous propose de le lire tout en écoutant cette chanson :

Pas de choix plus approprié en effet puisque Yôko Hatanaka est une de ces idoles qui ont succombé à un moment de leur carrière aux sirènes du roman porno pour varier les plaisirs (et gagner un peu plus de sous). Elle participa au film qui nous intéresse aujourd’hui en ne décrochant pas moins le rôle principal dans un des tout meilleurs roman porno de l’année 1980. Bon, genre je fais celui qui s’est maté les 68 roman porno de cette année pour dire cela, j’avoue humblement que je m’avance peut-être un peu. En tout cas, ce titre fait partie de ceux auxquels un minimum de soin a été apporté dans le script, le choix des actrices et leur interprétation, ce qui fait que le titre se regarde avec plaisir, voire intérêt, en particulier si on aime la cruauté car c’est un des plus tordus, des plus cruels – notamment dans sa conclusion – qui m’ait été donné de voir.

愛の白昼夢 (Ai no Hakuchûmu soit Rêves d’amour)

Kôyû Ohara – 1980

La cruauté apparaît de plusieurs manières dans le monde merveilleux du roman porno. On songe évidemment aux scènes de viol, aux meurtres (parfois) ou au bondage et son folklore. Si vous goûtez peu à ce dernier cas, je vous rassure tout de suite : Ai no hakuchumu ne mange pas de ce pain-là, et c’est tant mieux. Sa cruauté est plus subtile car incarnée par le joli minois rond de Hatanaka, alors âgée de 21 ans :

Une jolie petite gueule d’amour mais ne vous y fiez pas, cette fille-là, comme dirait l’autre, elle est terrible.

Voici en quelques mots l’histoire :

Yôko, apprentie peintre se destinant peut-être à faire les Beaux Arts, est inquiète : son papa, veuf célibataire plein de fric et qui aime à tringler de la gueuse intéressée sur son yacht, a décidé de reprendre sa vie en main et de s’assagir. Il projette de se marier avec Akiko (Yuki Kazamatsuri), bijin directrice d’une galerie d’art. Or, cela déplaît fortement à Yuko qui aimerait bien garder son papounet rien que pour elle et qui ne va pas forcément chercher à bien  accueillir sa nouvelle belle-mère…

Hatanaka est parfaite dans le rôle de Yuko. Son visage, son sourire, sa voix, tout concourt à donner à la minette le bon dieu sans confession. Face à la belle-doche, en apparence elle joue l’accalmie, avec des intonations et une manière de parler qui ne laisse jamais passer dans la voix un moment de défaillance, une irruption de colère. Ce qui n’est évidemment pas des plus rassurants, surtout lorsque l’on connaît la gueule de ses tableaux :

Dans une scène où elle montre la toile à son père, elle lui dit qu’il comprend sûrement l’interprétation que l’on peut faire de l’image. Alors que le film s’ouvre sur une fiesta à bord de son yacht (une d’une première partie de jambes en l’air pour monsieur, dans une cabine, avec une fraîche donzelle qui pourrait être sa fille), on pourrait penser que ce vieux requin (vieux car un peu édenté) n’est autre que le père qui passe son temps à croquer des bijins sur mer. Néanmoins, quand on voit la tournure que prend la relation entre Akiko et sa belle fille, on peut se demander si le requin ne serait pas plutôt cette dernière, ange gardien du père qui ne va pas hésiter à s’occuper des importunes voulant un peu trop se l’accaparer.

Le cheptel de poufs qui profitent bien du pognon du papa de Yoko.

D’autant que Yoko a l’air d’avoir un complexe d’Electre carabiné. Témoin cette scène au début dans laquelle Yoko aperçoit au dos du père un peu de sang (sortant de la fameuse cabine des plaisirs, il s’agit de griffures laissées par la pouf’ du jour). Aussitôt elle entreprend…

de lécher la plaie !

Plus tard elle explique à son père qu’il n’y pas besoin d’un remariage puisqu’elle pourrait parfaitement remplacer sa défunte maman. Gros yeux du père qui se dit qu’il y a au moins une chose pour laquelle ce serait tout de même un peu coton de la remplacer.

Mais cela ne convainc pas Yoko qui ne semble pas décidée à partager le père avec sa deuxième mère. Surtout que cette dernière est encore jeune (Yuki Kazamatsuri a alors 27 ans), belle, dinstinguée et cultivée bref, une concurrente plus sérieuse que les jeunes grognasses que s’envoie le père habituellement.

Vous avez été traumatisé par une horrible belle-mère ? Imaginez si vous aviez eu à la place Yuki Kazamatsuri !

Si Yoko Hatanaka est parfaite dans le rôle de la midinette bourgeoise perverse, Kazamatsuri l’est tout autant dans celui de cette belle-mère désireuse à la fois de se faire bien voir par la belle fille et de reprendre en main son éducation. Ce double aspect est visible dès la scène de leur rencontre. Sachant que Yoko est intéressé par l’art, elle lui offre un livre sur William Blake qui lui sera peut-être utile pour ses examens. Et comme le livre est en anglais, cela lui permettra en plus de travailler la langue. Moue ennuyée de Yoko qui ne sait pas si elle aura le temps de le lire. Mais Akiko insiste et lui tend fermement le livre, avec un regard qui ne souffre aucune contestation.

Ce sera le point de départ d’une relation orageuse dans laquelle Akiko alternera les moments de compréhension à ceux d’agacement, voire de colère.

Il faut dire que Yoko fait tout pour provoquer sa belle-mère. Acoquinée avec une bande de jeunes qui passent leur temps à baisotter et à se droguer sur la plage, elle se fait un jour épinglée par la maréchaussée venue faire un débarquement dans leur repaire :

Autant dire que dans ce repaire, c’est un peu la fête au slip (et au soutien-lolos)

Alors qu’Akiko vient la chercher au poste et qu’elles repartent à la maison, Yoko oblige sa belle-mère à prendre un jeune surfeur qui faisait de l’auto-stop. Elle va plus loin en l’invitant à crécher chez elle et, se sachant épiée par Akiko, elle rentrera sans façon dans la salle de bain pour donner une serviette au jeune homme qui a alors popol à l’air.

– Tiens ! c’est pour bien t’essuyer.

– Euh… Thank you !

Un peu plus tard, elle n’hésite pas à se rueur sur lui pour feindre une embrassade enfiévrée sur le plumard juste au moment où Akiko s’apprêt à entrer dans la chambre.

Doux Jésus !

Et ce n’est que le prélude à une multitude de tentatives pour tenter d’écoeurer et de faire fuir la concurrente.

Entre les deux, il y a le père qui ne voit rien, qui ne comprend rien et qui pue la vrille en fait. Manifestement papa gâteau du genre incapable d’éduquer fermement sa merdeuse (le genre mornifles dans le beignet accompagné d’un « tu fais ce que je dis et pas autre chose, OK ? », c’est clairement pas trop son truc), il remet les clés de l’éducation ferme à sa nouvelle épouse. Or, on comprend tout de suite qu’en dépit de sa bonne volonté, ce ne sera pas gagné avec ce petit scorpion de Yoko. Surtout, malgré ses belles paroles prônant dans sa vie l’accalmie, la raison, alors qu’il commence à prendre de l’âge, il ne peut s’empêcher de succomber non pas à l’appel de la mer mais à celui…

Des gros seins !

Les gros seins en question sont ceux de Kyoko Aoyama jouant le rôle de Keiko, grande amie de Yoko. Alors qu’elle a besoin d’argent (elle fréquente un garçon bien incapable de bosser sérieusement), Yoko lui propose tout simplement d’en demander à son père. Et pas besoin de le rembourser plus tard, il lui suffira tout simplement de lui offrir son jeune corps le temps d’une étreinte passionnée. Le père est d’abord offusqué par la proposition et menace de quitter la chambre d’hôtel dans laquelle Yoko a organisé le rendez-vous mais finalement, les flatteries de Yoko et la plastique de Keiko aidant, le papounet accomplit la besogne sans trop barguigner. Evidemment, Yoko en profite pour donner rendez-vous à sa belle-mère dans un resto dans les parages pour qu’elle tombe nez-à-nez avec son mari accompagné, bras dessus, bras dessous, avec une belette – ce qui arrivera.

Enfin, Yoko n’hésite pas à balancer au visage de sa belle-doche l’argument de la jeunesse. N’est-elle pathétique, la vieille, à faire la morale à une jeunette comme elle ? Et d’ailleurs qu’est-ce qu’elle peut bien comprendre aux jeunes ? Et pourquoi s’est-elle mariée avec un homme bien plus vieux qu’elle ? Ne serait-ce pas pour une sombre histoire d’argent ?

A tout cela Akiko répond par le mépris, arguant qu’il y a des choses qui se passent entre des adultes et que les enfants comme Yoko ne peuvent comprendre.

Là, Akiko touchera la morveuse qui a beau fréquenter des jeunes passant leur temps à baisoter entre deux portes…

(ou dans la moiteur d’une voiture sur un parking, comme Keiko et son copain)

… il s’avère en fait qu’elle est toujours vierge. Pour les fans de l’idole Yoko Hatanaka, ce sera évidemment l’espérance de voir leur chanteuse préférée dans le plus simple appareil, le temps d’une scène torride. Cela arrivera en compagnie du jeune surfeur qui permettra à Yoko de devenir femme c’est-à-dire de devenir un peu plus « mère » et donc de revenir à un pied d’égalité avec sa belle-mère.

Avant la fameuse scène, les amateurs de « bikini idols » auront la satisfaction de voir Hatanaka s’essayant aux joies du surf dans un joli bikini bleu.

S’ensuivra alors l’estocade finale pour régler définitivement le cas de la concurrente. Et là, je m’abstiens de donner le moindre indice sur les moyens mis en œuvre pour y parvenir. Je rappellerai juste le mot évoqué au début de l’article : cruauté.

Si vous êtes friands des roman porno présentant des situations triangulaires dramatiques et cruelles, dites-vous qu’avec Ai no Hakuchumu vous serez servis. La dernière confrontation entre Akiko et Yoko, dans la chambre de cette dernière, jouera la carte de la surprise traumatique. Une petite abjection qui donne tout de suite après d’écouter la bonne humeur des Beach Boys pour se laver l’esprit de ce cauchemar balnéaire.

7,5/10

Les joies du bini-bon avec Junko Mabuki

Toujours dans l’optique de poursuivre les sentiers explorés par The Naked Director, après Dynamite Graffiti, on enchaîne avec Zoom Up : the Beaver book girl, roman porno de 1981 :

Zûmu appu: Binîru-bon no onna ズームアップ ビニールほんの女  (soit Zoom sur la fille de revues olé olé !)

Le « bini bon », ceux qui ont vu The Naked Director se le rappellent sans doute, sont ces magazine érotiques qui dans les années 70 ont pullulé encore plus que des morpions dans les toisons pubiennes des pires gueuses de Kabukicho. Le film suit le travail très professionnel de Kimura, photographe mérité flanqué de son assistant Kôichi. Les deux vont photographier la capricieuse Mako mais aussi l’étudiante Yoshie dans des situations alternant le scabreux et l’acrobatique.

Période de Noël oblige, je tenais à ce que la Passion du Christ soit évoquée dans cet article.

Le problème est que l’on apprend qu’autrefois, alors qu’il était simple étudiant, Kimura était surnommé Gauguin. Non qu’il préférait alors le pinceau au reflex. En fait, le sobriquet célébrait son côté artiste du viol qui avait pour pouvoir de subjuguer ses victimes et de les rendre par la suite accro à sa personne. Une sorte de Hanzo the Razor bis si vous voulez. Et oui, pour filer la métaphore, on peut penser qu’il devait donner de vigoureux coups de pinceau sur la toile de chair qu’il avait à disposition.

Kimura est à droite. Pourquoi toutes ces bouteilles de bière sur la table ? La réponse se trouve dans un gif caché dans cette page.

Bref, lorsque déboule une femme mystérieuse prénommée Nami (prénom qui fleure bon l’œuvre de Takashi Ishii et c’est bien normal puisque l’histoire est tirée d’un de ses mangas), qui accepte de se faire prendre en photo dans les pires situations, et gratis encore ! on se dit que cette femme magnifique (ai-je dit qu’elle était jouée par Junko Mabuki ?) a peut-être à voir avec le sulfureux passé de Kimura.

Nami habillée (en cliquant sur la photo vous aurez la version définitivement moins poupée Barbie).

Comme pour Lesbians in uniform chroniqué la semaine dernière, Zoom up : binîru-bon no onna est un roman porno que l’on peut recommander. D’abord parce qu’il y a Junko Mabuki, alors dans la splendeur de ses 26 ans et dans les ultimes feux de sa carrière courte mais intense chez la Niquatsu. Intronisée « SM Queen » après le retrait de Naomi Tani, la bijin s’est pas mal employée sous l’égide de Dan Oniroku (qui a d’ailleurs une vie sexuelle avec elle très intense si l’on en croit son autobiographie Season of Infidelity: BDSM Tales from the Classic Master. Hé ! Les éditions Akatombo ! ce serait sympa d’avoir ce titre !).1981 est donc une année prolixe avec pas moins de sept films au compteur.

Dans Zoom Up, c’est peut de dire qu’elle sait capter les regards. Avec ou sans manteau de fourrure, avec ou sans ficelles de shibari, elle est une sorte de grande prêtresse du bini-bon qui renvoient illico à leur vie insignifiante Mako et Yoshie. Avec en prime ce plan fameux dans lequel elle en met (littéralement) plein la vue à Kimura en train de la photographier de face.

Bref, il y a Mabuki donc, mais il ne faut pas oublier les cinq autres personnages qui constituent une galerie croquignolette et permettant de passer sans ennui (toujours un risque avec les roman porno) les 65 minutes du film. Kumiko Hayano dans le rôle de Mako est d’une espièglerie aussi insupportable qu’amusante, Hikida, l’assistant de Kimura et amant de Mako, est un maladroit qui a bien du mal à garder la tête froide durant les shootings…

D’un autre côté, un shooting avec Junko Mabuki, je voudrais bien vous y voir aussi.

…tandis que Kawamoto, le propriétaire du magazine pour lequel travaille Kimura, est dans le rôle du gay en costard et aux mains très entreprenantes avec ses collègues mâles. Tout ce petit monde fonctionne, et associé aux apparitions aussi mystérieuses que bandatoires de Nami ainsi qu’une certaine imagination visuelle (mention spéciale au final dans un entrepôt désaffecté et poussiéreux !), il devient donc difficile de ne pas recommander ce titre qui – j’ai omis de le préciser – peut aussi être vu comme un hymne grandiose à l’ondinisme (actif ou passif, tout le monde a droit à sa rasade). Très rafraîchissant.

6,5/10

Les joies du tribadisme en sailor fuku

Rude soirée cinéma hier pour votre serviteur : en première partie de soirée, la brutalité avec Rambo : Last Blood (j’avoue faire partie de ceux qui ont kiffé le spectacle) et en deuxième la douceur avec un roman porno de 1983 :

セーラー服 百合族 / Sêrâ-fuku: Yurizoku (proposition de titre : les goungnotteuses du lycée)

Hiroyuki Nasu – 1983

A vrai dire c’est le genre de film que je préfère critiquer en période estivale, d’autant que l’histoire se passe dans une station balnéaire mais enfin, à force d’accumuler les journées avec un temps de merde, j’ai craqué et après le jeu de massacre à la fin de Rambo j’ai cédé à l’appel de la plage et des jolies filles aux doigt graciles et à la langue agile. Et je ne l’ai pas regretté. Comme les amateurs du genre le savent, le roman porno c’est souvent une chance sur deux de s’emmerder ferme mais là, impossible d’avoir une réserve, ce titre entre direct dans mon top 10 personnel. Pourquoi ? C’est ce que je vous propose de voir, mes maîtres. Donnez-moi votre main et projetons-nous ensemble dans la station balnéaire du film où je vais d’abord vous présenter les deux héroïnes du film, héroïnes que l’on voit ici gambadant avec insouciance, telles les Jeunes Filles en fleurs de Balbec :

♫ La, la, la schtroumpf la la ! ♫

Elles sont belles, joyeuses, et possèdent des capacités athlétiques permettant de faire des bonds d’un mètre :

Plus sérieusement, elles sont jouées par Kaoru Oda et Natsuko Yamamoto. L’une a alors 22 ans, l’autre juste 18 ans :

Images purement informatives, si si !

La plastique non entravée par les vêtements est sympathique, mais aussi le jeu d’actrice. Bon, n’attendez pas évidemment d’avoir du Lady Macbeth mais le duo d’amies (elles s’appellent Naomi et Miwako) fonctionne et apparaît souvent plein de fraîcheur. Naomi, jouée par Oda, est la plus âgée, la plus dégourdie des deux sur le plan sexuel. Avec son petit ami, Ippei, elle a déjà goûté au dépucelage et explore maintenant les joies du Kama Foutra avec son partenaire bogoss. Au grand dam de Miwako qui en pince depuis toujours pour son amie et qui n’en a pas grand chose à faire, de ces abrutis de mecs.

Abruti d’Ippei que l’on voit en train de faire sa bronzette tranquillou avec ses lunettes de soleil alors que bon, il y aurait peut-être ici mieux à faire…

Nous voilà donc en présence d’un trio amoureux classique, qui ne demande d’ailleurs qu’à se transformer en quatuor avec l’arrivée d’un abominable binocleux pervers, Kimio :

Que fait-il avec une télécommande sur un passage piéton aussi encombré que celui de Shibuya ? Il pilote un sac à roulettes télécommandé destiné à prendre des photos :

Vingt années plus tôt, c’est déjà Love Exposure !

Le petit pervers s’aperçoit un beau jour qu’il en pince pour Miwako et qu’il aimerait bien se déniaiser une bonne fois pour toutes avec elles. Bref, récapitulons :

Kimio aime Miwako qui aime Naomi qui aime Ippei (qui n’aime finalement que lui-même). Et pour être complet, il faudrait évoquer la grande sœur de Miwako (jouée par le splendide Kazuyo Ezaki), maîtresse d’un patron de restaurant, patron qui est d’un autre côté sollicité par une cougar (jouée par la sublime Asako Kurayoshi, décidément quel casting !) qui ne répugne pas non plus à déniaiser les petites oies comme Miwako.

Bref, vous l’aurez compris, en 70 minutes on a largement le temps d’être émoustillé avec tout plein de scènes belles et variées. Exploiter exclusivement la thématique du lesbianisme eût été par trop lassant, du coup Nasu alterne avec une régularité d’horloger homosexualité et hétérosexualité en combinant au maximum parmi sa réserve de personnages.

Autant vous dire que le mécanisme labio-buccal est constamment en action dans ce film !

Le tout avec un sens du cadre qui rend le spectacle là aussi très attrayant. Après avoir vu récemment un bien terne Zoom up : Graduation Photo (1983), cela m’a donné envie de voir un peu ce que Nasu propose d’autres dans sa filmographie (il faut dire aussi que je l’ai vu dans une belle copie HD alors que le Zoom up vient de chez Impulse, connu pour ses copies à la qualité limite VHS). C’est torride, imaginatif…

Du bon usage des lutins kitsch qui « décorent » une table de chevet.

… parfois brutal…

« Euh… che peux plus rechpirer là. »

… avec ici et là un zest de mauvais goût…

Ce plan, était-ce bien utile ?

… mais globalement le travail sur l’érotisme est de la belle ouvrage.

Et en cette période troublée par le #Metoo, on se dit en voyant ce film que les femmes auraient bien raison de se la jouer Lysistratas pour faire marron ces messieurs incapables de comprendre le sens du mot « douceur ». Signalons ici que le film peut être vu comme un brûlot violemment anti-sodomie. A voir si la suite tournée la même année et avec le même casting (Les gougnotteuses du lycée 2) permettra de combiner lesbianisme euphorique et hétérosexualité respectueuse. J’avoue qu’il me sera assez difficile d’attendre l’été pour aller vérifier cela.

7,5/10

Julien Sorel fréquente Mme Moreau à Karuizawa

Yutaka Okuda – Producteur de roman porno

Lady Karuizawa
(軽井沢夫人 – Karuizawa Fujin)
Masaru Konuma – 1982

Masaru Konuma – Réalisateur

 

(La scène se passe dans un restaurant familial près de Shinjuku)

OKUDA – Bon, alors, pour le prochain, t’as une idée ?

KONUMA – Hmm… ouais, je me dirige vers un truc genre remake de Plein Soleil.

OKUDA – Hein ? Le film avec Delon ?

KONUMA – Oui, enfin, remake juste partiel hein ! L’histoire se passe à Karuizawa, en gros un triangle amoureux avec d’un côté deux jeunes petits bourgeois arrogants et de l’autre un roturier qui va buter le concurrent pour mieux se taper le personnage joué par Marie Laforêt.

OKUDA – Quoi ? T’as un contact avec elle ?

KONUMA – Mais non, t’es con ! Et pourquoi pas avec Delon tant que tu y es ? Non, je veux dire le personnage de la petite péteuse de bourgeoise. J’ai songé pour le rôle à Yumi Yoshikawa. J’ai d’ailleurs préparé pour elle à une scène où on la verra se trémousser sur un terrain de tennis et une autre où elle se fera lécher du pinard français sur les pieds.

OKUDA – Beurk ! Un peu crade, non ?

KONUMA – Penses-tu ! Il en faut un peu plus pour dégoûter nos spectateurs. Et pis de toute façon, y aura une autre scène où le pinard sera répandu sur les oppai, sans compter une scène de douche, important ça, les scènes de douche ! Donc ça va le faire.

OKUDA – Ouf ! Franchement je préfère ça ! Mais sinon tu as dit que ce serait un remake partiel de Plein Soleil

KONUMA – Oui, en fait, accroche-toi gros, mon histoire est un mélange de Plein Soleil et du… Rouge et le Noir !

OKUDA – …

KONUMA – Bordel ! Le Rouge et le Noir quoi !

OKUDA – …

KONUMA – Mais putain ! De Stendhal quoi ! Faut que t’arrête de te branler devant Heibon Punch, y’a pas que ce genre de lecture dans la vie ! C’est un putain de roman français du XIXème siècle, sur un jeune arriviste qui va servir une bourgeoise plus âgée mais bien gaulée en étant le précepteur de son fils. Il va monter un à un les échelons de la société avant de commettre un crime et finir décapité !

OKUDA – Euh, t’es sûr que ?….

KONUMA – T’en fais pas, je contrôle tout. Et pis c’est pas comme si le roman porno devaient tout le temps bien se terminer. J’ai quand même le droit de faire une tragédie érotique, non ? Du moment que tu as ton cota de scènes avec morceaux de dargifs à découvert dedans ?

OKUDA – Bon, OK, je te fais confiance. Et j’y pense, pour la bourgeoise MILF, Naomi Tani serait pas mal, non ? je sais qu’elle a pris sa retraite mais j’ai ouï dire que financièrement ce n’était pas top pour elle. Peut-être qu’en lui proposant…

KONUMA – Euh, t’as la mémoire courte. Je te rappelle que l’année dernière elle s’est goinfrée une caisse alors qu’elle promenait son clébard et elle en est encore à se farcir des séances de rééducation. Après, si tu veux des scènes de fesses avec une actrice aussi rigide que Toutankhamon dans son sarcophage, moi je veux bien.

-OKUDA – Ah merde, c’est vrai, je ne pensais pas que sa rééducation allait durer si longtemps, pauvre Naomi chan ! Bon, alors qui sinon ? (il porte sa tasse de café aux lèvres)

KONUMA – Hin hin ! Accroche-toi à ton petit noir salopiaud ! J’ai songé à…

OKUDA – (buvant sa gorgée, il regarde en même temps Konuma d’un air interrogateur).

KONUMA – Miwa Takada ! (Okuda s’étrangle avec son café et en recrache lamentablement sur sa chemise. La réplique qui suit doit être accompagnée de toussements).

OKUDA – Hein . Kof kof ! Takada ? Kof ! T’est fou ? Elle n’est pas de notre monde ! Kof ! C’est une actrice grand public, une chanteuse, elle est habituée aux films de sabre, elle a joué dans plein de Zatoichi.

KONUMA – OSEF man ! Là, c’est la même chose, faut juste changer le type de sabre, hu hu !

OKUDA – Excellent !

KONUMA – Oui, je sais. En tout cas te bile pas, je l’ai contactée, elle a accepté. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Faut croire qu’elle veut enrichir sa palette de rôle ou que Kataoka n’est pas assez passionné.

OKUDA – Kataoka ?

KONUMA – Décidément tu sais queud, je ne sais pas comment tu as fait pour finir producteur.  Hidetaro Kataoka, l’acteur kabuki qu’elle a épousé. Pas un rigolo si tu veux mon avis.

OKUDA – Ah oui, j’avais oublié. Mince ! Je me demande comment il va prendre la chose de voir ainsi à l’écran sa femme.

KONUMA – Ça, ce n’est pas notre problème. Mais connaissant l’animal je prédis un divorce dans les mois à venir.

OKUDA – A ce point-là ? Mais les scènes à oilpé avec Miwa seront nombreuses ?

KONUMA – Quatre, cinq… peut-être six en fait.

OKUDA – Wow ! Et corsées ?

KONUMA – Boh, rien que de très ordinaire. Plans esthétiques, un peu de léchages de tétons et, oui, quand même, j’ai pensé à ce plan :

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OKUDA – Ah ! Là…

KONUMA – Ouais, même si c’est pour de faux, ça peut faire méchamment tiquer un mari acteur de kabuki. Tiens, d’ailleurs le voilà l’acteur Kabuki, regarde :

OKUDA – BWAHAHAHA !

KONUMA – Pareil. Le gus est quand même mal placé pour reprocher quelque chose à sa femme. Enfin, on verra.

OKUDA – Enfin quand même, c’est pas un peu casse-gueule de prendre une célébrité inexpérimentée ?

KONUMA – Marrant, je pensais que le rôle des producteurs était de rabouler un max de fric. Réfléchis un peu. Tu es un mâle, depuis longtemps tu en pinces pour cette chanteuse-actrice qui, à quarante, est toujours très bien de sa personne. Pendant des années tu as secrètement fantasmé sur les trésors de son corps qu’elle s’est toujours refusée de livrer à l’écran. Et là, tout à coup, tu as la possibilité de voir ça !

OKUDA – Quoi, « ça » ?

KONUMA – ÇA !

OKUDA – Gulp ! Doux Jésus !

KONUMA – N’est-ce pas ? Tous les fans vont radiner pour voir leur belle quadragénaire se livrer comme ils ne l’ont jamais vue ! Sois sûr qu’ils vont même raquer plusieurs fois un ticket pour s’en mettre une double, une triple, voire une quadruple dose ! Et pour ce qui est du « inexpérimentée », je la sens très capable d’être convaincante à l’écran en nous campant un personnage tout en fièvre et en spasmes. Assez hâte de voir sa belle chevelure voler dans tous les sens. J’imagine bien ce genre de chose…

OKUDA – Je reconnais que c’est alléchant. et puis il y aura sans doute le « petit scandale » que ne vont pas manquer de faire mousser les tabloïds.

KONUMA – Voilà, tu commences à comprendre.

OKUDA – Mais Takada en a conscience, ça ne la dérange pas ?

KONUMA – Franchement, j’ai l’impression que son couple bat de l’aile et qu’elle s’en bat un peu les ovaires. Et puis elle m’a confié qu’elle avait aimé mon travail avec Naomi, comment je mettais en valeur son corps. J’ai du coup imaginé quelques scènes pour achever de la rassurer, des scènes garanties 100% esthétisantes.

OKUDA – T’as un exemple ?

KUNUMA – Tiens, ceci :

OKUDA – Hmmm, joli. Quoi d’autre ?

KONUMA – Tiens, récemment je suis tombé sur un réalisateur gaijin dans un troquet de la Golden Gai, un amerloque, un certain… attends ça va me revenir, Terrence Ma… quelque chose. J’ai oublié. Bref, en discutant avec lui cette idée m’est venue :

Des personnages écrasées par la nature, mais en même temps fusionnant avec elle, le tout accompagné par des commentaires fulgurants en voix off des personnages tels que : « L’amour est dans la nature », « D’où vient cet amour qu’engendre la nature ? », « La femme est une terre nourricière » ou « La femme est une créature divine faite pour ensemencement divin ». Ça va être cool !

OKUDA – Euh, là, je crois que tu t’avances un peu. Réfléchis, je ne suis pas sûr que ça va bien fonctionner.

KONUMA – Tu crois ? Bon je verrai, je testerai et si ça ne fonctionne pas je ne vais pas me prendre le chou, je mettrai une balade de folk/pop à la place.

OKUDA – Et sinon, la fin sera comment ? Ça finira mal donc ?

KONUMA – Un peu, oui. C’est l’autre truc pris au Rouge et le Noir, le roman français. En fait, à la fin voici ce qui va arriver à l’amant. Attends, je te le dis à l’oreille, on a famille avec des enfants sur la table d’à côté et j’ai l’impression que le paternel nous regarde avec un air furibard depuis quelques minutes (il chuchote à l’oreille d’Okuda).

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OKUDA – Ah ouais quand même. Euh, par contre tu n’es pas Georges Lucas, le trucage risque de craindre, non ?

KONUMA – Même pas peur. Après 90 minutes à se palucher (oui, je ne t’ai pas dit mais je vais exploser la durée habituelle allouée aux roman porno), le spectateur ne nous en voudra pas.

OKUDA – Bon, ça me paraît bien engagé tout cela. Et sinon, pour finir, il y aura d’autres personnages intéressants ?

KONUMA – Yôko Azusa va jouer le rôle d’une étudiante qui va mettre le grappin sur le héros le temps de deux scènes. Dans l’une, c’est une petite fête alcoolisée d’une bande de jeunes sur la plage. Ils vont faire de la musique, manger, picoler, baisotter tranquillou, des jeunes quoi ! Dans l’autre, ce sera en pleine nature, c’est l’idée dont je t’ai parlé, avec les coms en voix off.

OKUDA – Personnage pas très utile finalement ?

KONUMA – Complètement inutile. J’ai juste envie de tester une scène en pleine nature.

OKUDA – Hé ! au fait ! La bourgeoise est donc mariée ! Comment est le mari ?

KONUMA – Un gros relou. Il sera d’ailleurs dans la première scène de fesses que jouera Miwa. Ah ! Et son personnage a aussi un petit garçon. Ah mais je te l’ai dit, le héros sera son précepteur. Il y aura d’ailleurs une scène tragique dans laquelle le gamin passera tout près de la noyade tandis que sa maman et le précepteur seront en train de réviser une certaine matière au lit. Ça éloignera d’ailleurs la maman pour un temps du héros. Forcément, elle va culpabiliser un peu. Et mais j’y pense… Ça me rappelle quelque chose…

OKUDA – Une scène dans un autre de tes films ?

KONUMA – Non, rien à voir. attends, ça va me revenir… Ah ! J’y suis ! Bon sang, mais c’est bien sûr ! Flaubert !

OKUDA – …

KONUMA – Cherche pas, tu connais pas. Un romancier français.

OKUDA – Encore ?

KONUMA – Ouais. Sans m’en rendre compte, je viens de fusionner Plein Soleil, L’Education Sentimentale et Le Rouge et Le Noir. Avec un tel script je tiens là un nouveau chef-d’oeuvre ! On va faire un carton !

OKUDA – Franchement, après tout ce que tu m’as dit, je veux bien commencer à le croire. Allez, tu as le feu vert pour tourner dès le semaine prochaine. Sur ce, on y go ?

KONUMA – Allons-y !

(Les deux hommes se lèvent et se dirigent vers la caisse pour régler l’addition. Là, ils sont rattrapés par un autre homme, le père de famille de la table à côté de la leur. Il a l’air gêné).

LE PÈRE – Monsieur Konuma, excusez-moi !

KONUMA (méfiant) – Oui ? Que puis-je pour vous ?

LE PÈRE – Euh… j’ai écouté attentivement votre conversation à table. Ne vous inquiétez pas, je faisais semblant d’être en colère pour donner le change à ma femme mais en fait, euh… j’aime bien voir vos films quand je sors du boulot. Euh, si j’osais, je vous demanderais bien…

KONUMA (rassuré et un peu flatté) – Demandez mon bon, demandez…

LE PÈRE – Pourriez-vous me donner en avant-première un de ces merveilleux gifs ? c’est pour ma collection.

KONUMA – Ah ! Si ce n’est que ça, aucun problème, tenez mon ami :

LE PÈRE – Oh ! Merci beaucoup Konuma sensei ! Je le garderai précieusement dans ma collection, foi d’Olrik !

7/10

Ami Tomite dans tous ses ébats !

Ryo, 20 ans, est un étudiant qui paye ses études en faisant le bartender dans un bar chic, et il s’ennuie ferme. A tel point que lorsqu’une certaine Nido Shizuka lui offre d’entrer dans son club de call boys pour cougars esseulées, il accepte. Il a beau trouver que toutes les femmes sont ennuyeuses, il pense que l’expérience va au moins tromper son ennui et permettre de se sonder lui-même, de comprendre son mal existentiel…

 

Call Boy
Shônen (娼年)
Daisuke Miura – 2018
d’après un roman d’Ira Ishida

Qu’on se le dise, voici un film qui ridiculise sans aucune contestation possible tous les films de l’opération Roman Porno Reboot, l’Antiporno de Sion Sono en tête. D’abord parce que le film n’a pas besoin de balancer des pots de peinture à la frime du spectateur pour trouver son style. Il est aussi dépouillé qu’Antiporno était laid et bariolé, on est dans une ambiance lounge essentiellement composée de nuances sombres et bleutées du plus bel effet, composant un univers froid en apparence mais seulement en apparence car cette froideur est faite pour ressortir l’intensité des sentiments qui vont exploser dans des scènes de sexe parfois épiques. Ainsi ce plan d’Ami Tomite qui, après avoir mis la capote à Ryo, prend une pose pour s’offrir. Le mouvement est lent, accompagné d’une incroyable musique de Radiq (aka Yoshihiro Hanno, pape du jazz électro), et baignant dans une obscurité relative qui ne donne que peut à voir du corps de l’actrice. Là aussi, on est très loin du film de Sono qui n’avait de cesse de bien montrer le corps de Tomite (rappelons qu’elle était l’actrice principale d’Antiporno) sous toutes ses coutures. Et l’effet est bien plus impressionnant, la découverte parcellaire de son corps dans cette ambiance bleutée étant beaucoup plus vecteur de sensualité et d’érotisme.

 

Oh my !

Du moins dans cette scène car dans d’autres, c’est souvent plus cru et explicite. Il faut dire que Ryo a une manière surprenante de faire son beau métier. C’est un peu le genre « lapin Duracell sous cocaïne ». Mais c’est ce contraste avec ces lieux calmes et sélects que Ryo fréquente qui permet aussi de trouver un ton original. De longues embrassades et des plans de caresses douces et interminables aurait été par trop monotone. Et puis il fallait trouver le moyen de rendre compte de l’excellence de Ryo dans son métier et de sa capacité à aider les femmes qui lui demandent ses services physiques mais aussi psychologiques. Car très vite, il s’aperçoit que non, elles ne sont pas toutes ennuyeuses. Pour ceux ou celles qui craindraient de voir un film racoleur insupportable de misogynie, il faut savoir que les personnages féminins sont intéressants tous sans exception. Nido Shozuka bien sûr, qui cache un secret médical, sa fille Shizuka qui est muette (le personnage interprétée par Ami Tomite et qui n’a donc pas l’occasion de brailler son texte hystériquement comme chez Sono. Peut-être un simple hasard mais je n’ai pas pu m’empêcher de voir là une sorte de pied-de-nez, un nouveau contre-pied volontaire à Antiporno), mais aussi cette copine de fac scandalisée à l’idée de voir que cet ami qu’elle aime secrètement se prostitue ou cette vieillarde élégante qui demande  les services de Ryo. Les femmes sont belles, les femmes ont du mérite et, quand elles connaissent des tracas dans leur existence, il faut leur donner ce qu’elles demandent pour les aider. Et à ce petit jeu, Ryo est comme le bon docteur Black Jack, un vrai génie du bistouri. Seulement, son bistouri à lui, il pénètre dans les chairs non pas pour permettre de guérir d’un mal médical mais pour guérir l’âme. Sur les bon conseils de dame Shizuka, Ryo apprend d’abord à cerner le problème moral puis y va à fond avec son bistouri pour faire jaillir le plaisir (sa copine de fac en sait quelque chose) et purger l’âme de ses soucis.

Il en résulte donc des scènes frénétiques et étonnantes, mais parfaitement réalisées et marquantes, ce qui est toujours le gage d’un film érotique réussi, le genre faisant trop souvent dans le « vite vu, vite oublié ». Dès le premier plan du film où l’on voit un postérieur masculin aux mouvements fornicatoires, tandis qu’une gambette féminine s’agite doucement par-dessus, montrant un ongle de gros orteil délicatement verni, seule occurrence d’un rouge discret dans un plan exclusivement fait de tonalités bleutées, on se dit qu’on tient là un film érotique qui va sortir de l’ordinaire. Et après la courte mais extraordinaire partie fine à trois (en fait techniquement, c’est bien à deux mais chut !) introduit par le plan d’Ami Tomite écartant lentement les jambes, impossible d’oublier ces plans stylisant l’extase et cette maïeutique charnelle.

Bon, c’est mon point de vue. Peut-être qu’un autre trouvera le film parfaitement grotesque et prétentieux. Mais si comme moi vous avez été un peu déçu par les cinq film du Roman Porno Reboot, demandez-donc à Ryo kun de venir vous voir pour une séance de 118 minutes, vous allez peut-être vous en trouver changé(e).

Je ne m’en lasse pas.

8,5/10

 

 

Fly me to the roman porno’s heaven

Attention, work in progress de longue haleine ! Ou plutôt, dans le cas présent, de longs halètements, du genre humide et poisseux, si vous voyez ce que je veux dire.

J’avais au départ dans l’idée d’utiliser la section Japanscope pour faire un classement exhaustif de tous les roman porno réalisés par la Nikkatsu. Après, comment faire ? Créer un sujet par réalisateur ? par année ? Ça paraissait un peu chaud de faire cela sur une interface de type forum. Et puis je me suis souvenu qu’il n’y a pas très longtemps j’avais commencé à utiliser un logiciel pour référencer tous mes films, logiciel qui permettait l’export en HTML. Avec un peu de travail pour personnaliser tout cela en fonction du monde rose du roman porno, voici donc le résultat, à mater la bave aux lèvres et les pognes bien en évidence s’il vous plaît, sur le lien ci-dessous (et qui apparaît dorénavant dans le menu) :

ROMAN PORNO NO TENGOKU

Bien sûr, je suis loin d’avoir fini, j’essaierai de compléter en y ajoutant une dizaine de films hebdomadaires. Et vous remarquerez au passage que les fiches ont au moins pour intérêt d’offrir non seulement l’affiche mais aussi le minois (et parfois un peu plus) des actrices principales, ce qui peut être décisif quand on doit choisir de mater un roman porno mais qu’on ne sait pas lequel. Pas la peine de me remercier, ç’a été un plaisir d’aller sur Google images pour choper les bonnes photos. Bon, par contre, pour les trognes de ces messieurs, j’avoue que je me suis moins démené…

Sinon, une idée : si des lecteurs passionnés ont déjà critiqué les films proposés et souhaiteraient voir leur travail apparaître dans des fiches sous la forme de liens, qu’ils n’hésitent pas à se manifester dans les commentaires pour me les indiquer, je les intégrerai alors directement dans la base. Ça permettra d compléter les fiches parfois arides, je le reconnais, au niveau des infos (ouais, je ne suis pas allé jusqu’à faire un résumé de chaque film).

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui bonnes gens. Moi, avec ce temps de chien, je m’en retourne à mon treizième et dernier tome d’Ashita no Joe et à mon mug de café Boss.

(The DC Archives) Bijin de la semaine (55) : Izumi Shima

Drink Cold toujours, avec aujourd’hui rien moins que quatre articles pour le prix d’un ! Après Natsuko Yashiro et Christina Lindberg, je devais consacrer le troisième (et je ne le savais pas encore, mais aussi le dernier) numéro de la Grande Encyclopédie Bijinesque consacrée aux starlettes de la Nikkatsu. Comme Drink Cold devait succomber aux attaques informatiques de fans de K-pop n’ayant pas apprécié certains articles à charge contre leur zik préférée (on réexpliquera cette sombre affaire plus tard), ce numéro devait être le dernier. Après un ravalement de façade, je l’intègre donc à ma série des « bijins de la semaine ». Cela n’a pas été sans mal puisque cette notice filmographique bat le record de gifs animés dans un article (plus de 40 !). A tel point que pour rendre plus fluide la visionnage de l’article, vous trouverez en bas de cette page, les numéros des autres pages permettant de visualiser tous les articles consacrés à la belle Izumi.

(article paru sur Drink Cold le 13 mai 2011)

8 mois après le premier opus de l’Encyclopédie Bijinesque, voici le troisième article. Pas d’inquiétude, tout va bien, je gère parfaitement le rythme de parution de cette grande œuvre in progress qui devrait, selon mes calculs, s’achever en 2052 pour animer notre libido quand nous ne serons plus que des vieux barbons en maison de retraite, tout juste bons à reluquer les croupes des infirmières et à se tirer la nouille en regardant les bijins que j’aurais durant toutes ces années collectionnées pour vous. So, are you ready pour la troisième livrée…

Or not ?

Après la suédoise Christina Lindberg, retour donc aux bercailles avec Izumi shima, née Keiko Ishida et surnommée « la plus belle actrice de la Nikkatsu ». Petite précision : cette réputation n’est pas le fait des spectateurs mais des producteurs de la Nikkatsu eux-mêmes, désireux de lancer la carrière en fanfare d’Izumi en 1977 avec…

1

Lady Chatterley in Tokyo (Katsuhiko Fujii, 1977)

Comme c’est souvent le cas, on remarque un gouffre immense entre les promesses d’une belle affiche et le contenu un peu affligeant du film. « Plus belle actrice de la Nikkatsu »… peut-être, pourquoi pas ? Malheureusement, si le minois et la plastique d’Izumi peuvent tirer vers le haut certaine extrémité du spectateur mâle, en faire de même avec le film est une autre histoire. L’histoire a du mal à décoller, on nage dans l’impotence scénaristique, finalement un peu à l’image du mari de cette Lady Chatterley japonaise (le gus est paraplégique, c’est con hein ?).

On aimerait bien feuger façon trique d’acier mais rien à faire, popaul ne répond pas. Les seules choses dures sont les tétons d’Izumi…

… et ce qu’elle regarde avec cet air effaré (et sans doute un poil envieux) :

Pour le savoir, clique sur l’image. Chez notre ami Hisayasu Satô, nulle doute que la châtelaine eût trouvé son compte.

Avec cette soupe servie sur fauteuil roulant, aux antipodes des subtilités psychologiques du roman de Lawrence (il est vrai qu’on s’en balance un peu dans un roman porno), inutile de dire que cette première prestation d’Izumi, en débit de son surnom bien ronflant, ne fit pas vraiment mouche dans l’esprit des romanpornomaniaques. Il faut dire que le mélange des genres n’aidait pas vraiment. On s’attend à quelque chose d’erotico-romantique, un truc comme ça :

Mais, horreur !  on tombe finalement sur ça :

Eh oui, l’amant qui permet à notre héroïne de voir enfin à quoi ressemble un vit en état de marche est un vil manœuvre aux paluches sales et à la sudation malodorante. Fi donc ! Et le spectateur de se demander alors s’il n’est pas en train de regarder un film d’horreur au lieu d’un pinku. Ça débande sec (enfin, pour les quelques veinards) et on est à deux doigts, un brin écœuré, d’éjecter fissa la VHS pour la flanquer à la poubelle. Lady Chatterley in Tokyo ou comment écorner d’emblée l’aura d’une belle actrice en la faisant s’accoupler avec quelqu’un du bas peuple !

Heureusement, il n’y aura pas ce problème avec ce film…

2

Tomei Ningen : Okase ! (Isao Hayashi, 1978)

Film tout en finesse, quelque part entre une pécasserie et un film de la Hammer, qui nous présente un personnage de scientifique s’offrant de généreuses rasades d’un produit lui permettant de devenir invisible. Au programme : viols (mais c’est pour rigoler donc ça va, si, si !), mekuri en toute tranquillité, intrusion dans les bains publics féminins, essuyage de fesses d’une bijin venant de faire popo et désappage en public d’une plantureuse conférencière en train de parler de la présence de la philosophie heideggerienne dans 2001 : l’Odyssée de l’espace.

 Un des beaux dessins du générique.

Vous l’aurez compris, on est face à un étron forcément indispensable. D’abord parce que le casting présente une réjouissante profusion de starlettes de l’époque (Yuko Asuka, Mari Maria, Erina Miyai et Izumi Shima, excusez du peu), ensuite parce que les effets spéciaux sont réjouissants de médiocrité. Qui n’a pas vu une capote flotter dans les airs pour atteindre sa cible n’a rien vu en fait de trucages bidonnants.

 Invisible Man : Rape ! ou comment donner tout à coup des allures de Ray Harryhausen à Ed Wood…

Izumi Shima ? Assez belle dans le rôle de l’épouse du scientifique :

Et confondante de réalisme dans la scène de sexe dans laquelle elle doit faire croire qu’un gros goumi invisible lui fait atteindre le 7ème ciel :

Il y a dans cette scène comme un côté Téléchat, on imagine Grouchat avec Micmac demandant au gluon de l’édredon ce qu’il est bien en train de foutre (syllepse !). Izumi est possédée, pénétrée de son rôle et du vit de son incube de mari. C’est tout-à-coup Polterfesse, ou l’Exorvice, et l’on a envie d’entrer dans le petit écran, le crucifix à la pogne en hurlant :

 SORS DE CE CORPS SATAN !

Bon, vous aurez pigé que Tomei Ningen : Okase ! est ce que l’on pourrait appeler un pinku popcorn. Aucun soin dans la mise en scène, aucune subtilité scénaristique, juste des jolies actrices, des scènes de cuisses en l’air sous un bon gros coulis d’humour hénaurme. Après tout, ce n’est pas pire que certains  roman porno engoncés dans une prétention et une prétendue sophistication ennuyeuses à périr.

Pour d’autres films d’Izumi, ben vous attendrez la suite non pas dans huit mois mais dans une poignée de jours seulement, le temps de faire une ou deux exégèses de films pour compléter ce troisième opus. Promis, je vous envoie le paquet très bientôt…

Et sans gravier encore !

Retreat through the Wet Wasteland (Yukihiro Sawada – 1973)

Deux flics pourris jusqu’à l’os doivent poursuivre un ancien collègue à eux, un flic pervers qui vient de s’évader d’un asile d’aliénés (après y avoir foutu le feu). Si ça c’est pas une histoire qui envoie du rêve, j’y connais rien.

濡れた荒野を走れ (Nureta Koya O Hashire)

Le titre ne doit pas faire illusion car ce film est bien plus nerveux que vraiment humide. Pour ceux qui douteraient encore de la capacité du roman porno à proposer autre chose qu’une collection insipide de scènes de cul plus ou moins salées, Retreat through the Wet Wastland est fait pour vous. Echaudée par les affres judiciaires de l’année précédente (Love Hunter, à cause de son obscénité, causa moult problèmes à la compagnie), la Nikkatsu donne le feu vert en 1973 pour la réalisation de Wet Wasteland mais en prenant soin d’ajouter un « nureta » (humide) au titre pour bien donner l’impression qu’il s’agit d’un roman porno ordinaire. Ce qu’il n’est évidemment pas. En ce sens la jaquette du DVD annonce davantage la couleur que l’affiche originale puisque le personnage principal est un flic dur à cuire sans aucunes limites. Dirty Harry est sans doute passé par là, on retrouve chez le « héros » du film, l’inspecteur Goro Harada une expressivité minimaliste et un anticonformisme notoire. Mais la comparaison s’arrête là car le bon inspecteur va bien au-delà de son homologue américain. Dans la scène d’ouverture, il entre par effraction avec trois acolytes au domicile d’un type pour lui voler un gros paquet de fric. Ceci avec rien moins que quatre circonstances aggravantes :

– L’homme est vieillard.

– C’est un prêtre.

– Le fric en question est une cagnotte destinée à venir en aide à des familles du Vietnam.

– Avant de partir, les trois complices en profitent pour violer la fille du prêtre.

Et sous les yeux de la Sainte Vierge qui plus est ! Horreur ! Sacrilège ! Profanation !

En soi, c’est une jolie manière de dire m… à la police japonaise qui avait pénétré dans les locaux de la Nikkatsu l’année précédente pour carrément arrêter plusieurs employés. Reste que, comme nous l’avons dit, la Nikkatsu a tout de même veillé à ne pas trop claironner la sortie de ce film en arrangeant le titre et en présentant une affiche prenant soin d’évacuer le personnage principal qui a rien moins la réputation que d’être à l’origine le premier flic anti-héros du cinéma japonais, annonçant certains personnages de Fukasaku ou encore le flic de Kitano dans Violent Cop.

On ne saura pas trop ce qui pousse Harada à choisir la voie du mal. A vrai dire, malgré cette sempiternelle paire de lunettes noires qui lui donne un masque imperturbable,  il nous apparaît aussi malade, aussi névrosé que l’ancien collègue qu’il poursuit. Les premières minutes (voir vidéo plus bas) nous le montre marcher dans une ville dont il se fout sans doute, voire qui le révulse. Quand la fille du prêtre se fait violer, il est le seul à ne pas participer, se contentant de regarder. Plus tard, alors qu’il a engagé les services d’une pute, l’érection ne vient pas, faisant dire à la dame que c’est parce qu’il boit trop. On se dit alors que se cache derrière son comportement un souci lié à son service trois pièces. Mais en fait non, après avoir travaillé avec ardeur pour transformer une demi-molle en magnum .44, la prostituée comprend que le bon inspecteur est loin d’être défaillant en la matière :

Au passage oui, vous ne rêvez pas, c’est bien le choix radical de Sawada pour censurer certaines scènes de fesses. Choix bien excessif car même sans ces caches, je ne suis pas sûr que le spectateur aurait pu contempler les parties intimes. On pourra voir dans ce réseau d’épaisses lignes noires l’enfermement criminel teinté de folie dans lequel se complaît Harada. Ce sera d’ailleurs le même procédé quand le collègue qui l’accompagne – lui aussi bien pourri – prend du bon temps avec une autre dame :

Posture n°284 : le « ramen doggy style ».

Bref, on comprendra bien qu’il ne s’agira pas ici de s’identifier au personnage principal. Si Harry Callahan pouvait faire preuve d’un certain humour pince sans rire et surtout avait le bon goût de s’attaquer à de pures crapules, on n’en dira pas autant de Harada, d’autant que l’ex-flic qu’il recherche tombe sur une lycéenne fugueuse (premier rôle important dans un roman porno de Yuri Yamashina) avec laquelle il aura une liaison touchante et inoffensive. En fait, le spectateur espérera surtout que cet enfoiré d’inspecteur succombera à la fin. Mais cela, il ne faudra pas trop y compter, surtout si l’on sait que derrière le scénario se cache Kazuhiko Hasegawa, l’homme qui réalisera plus tard The Man who stoled the sun. Ceux qui ont vu ce film se rappelle peut-être de cette histoire d’un professeur de physique au lycée qui parvient à voler de l’uranium afin de concocter une bombe qu’il espère bien faire exploser gratuitement en plein Tokyo (évitez de lire la fin de ce paragraphe si vous ne l’avez pas vu). La dernière scène nous le montrait en gros plan, de face, alors qu’il a enclenché le compte à rebours de sa bombe et qu’il marche tranquillou dans une rue bondée de monde.

Il y a le même effet dans Wet Wasteland. Harada nous montrera enfin son vrai visage ainsi que son immense solitude. On ne le voit pas marcher dans une rue remplie de monde mais dans un no man’s land. Mais à son retour en ville et à sa fonction d’inspecteur, car à aucun moment on imagine que cette errance dans la nature serait le signe d’une démission (là aussi on se démarque de Dirty Harry),  il est certain qu’il continuera ses crimes avec encore plus de complaisance, petite bombe nihiliste dont le but est juste de faire le mal pour le mal, l’argent n’étant sans doute qu’un prétexte.

On l’aura compris, Retreat through the Wet Wasteland est plus un joli petit film coup de poing de l’année 1973, plutôt qu’un grand roman porno. Les amateurs de scènes hautement érotiques et bijinisées y seront sans doute pour leurs frais. Mais pour ceux qui apprécient le badass qui se torche avec le politiquement correct, c’est un film assurément à découvrir.

Guns, blood and boobs : que demander de mieux ?

7,5/10

Dawn of the Felines (Kazuya Shiraishi – 2017)

Joies et tristesses de Masako, Rie et Yui, trois prostituées travaillant du côté d’Ikebukuro. Un jour, elles rencontrent chacune de leur côté un client qui va peut-être faire basculer, en bien ou en mal, leur fragile existence…

牝猫たち (Mesunekotachi)

Dernier film à visionner de l’opération Roman Porno Reboot et comme quoi il ne sert à rien de désespérer puisque je termine le cycle avec deux bonnes surprises (voir l’article précédent sur Aroused by Gymnopedies). Dawn of the Felines est un hommage au film de Noboru Tanaka, Night of the Felines, film réputé pour avoir eu une approche réaliste de la prostitution. Approche réaliste à la sauce 70’s, comprenez avec une galerie de personnages hauts en couleur tirant volontiers l’ambiance du côté de la comédie (aspect qui dans ce cru Roman Porno Reboot a plutôt été représenté par Wet Woman in the wind).

L’aspect comédie sera très discret, pour ne pas dire absent, dans cette nouvelle version de Shiraishi. Et pour le réalisme, on l’aura  surtout à travers la psychologie des trois prostituées, femmes ayant toutes un problème (un enfant non désiré à gérer, une incapacité à avoir un enfant, un mari infidèle…) donnant à leur existence un goût doux amer. Une nouvelle fois, le choix des actrices n’a pas été salopé et l’on peut affirmer que c’est bien là la principale réussite du Roman Porno Reboot, avoir su proposer un éventail d’actrices à la fois séduisantes et capables d’incarner leurs rôles de manière convaincante.

Rie, Masako et Yui

Sinon, le réalisme ne sera pas à chercher du côté d’une certaine crudité inhérente à leur métier. Le cas de Yui mis à part, les scènes ne cherchent pas à montrer un quotidien cloaqueux et anti-érotique au possible, avec des clients libidineux sentant la sueur et le foutre à dix mètres à la ronde. Non que les quelques clients que rencontrent les personnages soient des prix de beauté. Mais cela donne lieu à des scènes filmées avec retenue et desquelles se dégage un érotisme maladroit et pudique. Inutile de chercher ici une science de cadrage  pour mettre en valeur les positions et les courbes. C’est filmé avec les pieds, ou plutôt à l’épaule, et cadrant au plus près, très loin d’une certaine approche stylisée du roman porno, visant à magnifier le potentiel érotique des corps.

Le client de Rie : un veuf mélancolique. La relation donne lieu à des scènes touchantes montrant finalement assez peu de chose des ébats.

De même, lorsque la caméra suit une des héroïnes errant dans les rues de Kabukicho, c’est du garanti 100% filmé à l’épaule et sans stabilisateur, donnant aux scènes ce que l’on pourrait appeler un « réalisme déambulatoire ». Mais à côté de cet aspect, on trouvera aussi une approche plus onirique : les couleurs sont crues, et Shiraishi pousse très loin l’utilisation du flare dans les scènes nocturnes, transformant Kabukicho en un univers quasi féérique :

Il est alors tentant de voir Dawn of the Felines comme un film aussi bien réaliste que participant au conte de fées, les trois protagonistes devenant des Cendrillons rêvant de trouver leur prince charmant, ou rêvant de gloire en participant à un bal. En fait de bal, Masako et Rie auront moins l’occasion de valser que de participer à une performance de shibari :

Mais les lumières braquées sur elle auront au moins fait oublier pour un temps la morosité de leur situation. Quant à Yui, le fait qu’elle ait déjà un enfant (chose impensable pour une héroïne de conte de fées) ruine d’emblée ses plans de se dégoter un prince. Elle constitue un étrange mélange, entre Cendrillon et la marâtre pouvant causer du mal à l’enfant dont elle a la charge (son petit garçon est couvert d’ecchymoses). Miraculeusement, elle saura basculer du côté de Cendrillon lorsque son prince l’emmènera dans une chambre magique d’où ils sortiront avec l’envie d’être désormais ensemble, avec l’acceptation totale du petit garçon qui n’est dès lors plus un fardeau.

Le petit garçon, Kenta, qui en bon Petit Poucet fera à un moment sa fugue.

Evidemment, le spectateur est sceptique sur l’issue positive de l’histoire de Yui, l’homme faisant battre son petit cœur d’ex-prostituée n’étant pas particulièrement rassurant. De même pour Masako. Alors qu’elle attend sur le trottoir, n’espérant plus rien (elle se trouve alors au chômage car son mac a décidé d’arrêter son agence), elle voit s’arrêter à côté d’elle un curieux carrosse :

Le conducteur qui en sort est un bien étrange prince charmant. Il s’agit en fait d’un personnage apparaissant plus tôt dans le film, personnage qui avait le don d’exaspérer par ses questions indiscrètes les trois héroïnes. Masako décidera de le suivre et de monter dans son fourgon pour de nouvelles aventures. Dans l’ultime plan, on voit le fourgon emprunter une voie mais la présence à droite du plan d’un sens interdit (même s’il concerne la voie hors champ se trouvant à droite) laisse une curieuse impression. Le jeune couple fonce-t-il vers un avenir tragique ? ou au contraire file-t-il vers un destin plus radieux car anti-conformiste (le jeune homme, faisant penser à un personnage échappé d’un film de Sion Sono, semble l’être) ? Le spectateur n’aura pas la réponse et ce sera pas plus mal car cela permettra de conclure joliment le cycle Roman Porno Reboot en faisant le lien avec quantité de films de l’âge d’or du roman porno dans lesquels le sexe est présenté ni comme une fatalité, ni comme un Graal indispensable pour connaître le bonheur. Il est juste à l’image de la vie, source de joie ou de tristesse, de moments d’allégresse ou de moments d’infortune.

Sur ce, c’est le moment de faire un petit palmarès récapitulatif des cinq films constituant l’opération Roman Porno Reboot :

1- Aroused by Gymnopedies

2- Dawn of the Felines

3- White Lily

4- Antiporno

5- Wet Woman in the Wind

Si le bilan est mitigé avec de vraies déceptions (le Sono surtout), impossible de ne pas avoir envie de connaître une deuxième déclinaison de ce reboot tant l’interprétation et la mise en scène ont eu une tenue certaine. Pour l’intérêt, ç’a été plus fluctuant, mais on ne peut nier une volonté de proposer des oeuvres avec suffisamment de différences entre elles pour permettre une grande variété dans les approches.

Aroused by gymnopedies (Isao Yukisada – 2016)

Shinji est un réalisateur qui a la réputation de faire des films intéressants mais qui ne font pas d’argent. Il a autrefois réalisé un chef-d’œuvre qui a remporté un prix prestigieux. Mais maintenant, il a toute les peines du monde à retrouver le feu sacré pour boucler un film en cours, d’autant que l’actrice principale, Anri, énervée par une scène érotique qu’elle doit jouer, a décidé de claquer la porte. Commence alors pour Shinji une étrange semaine durant laquelle il va rencontrer et coucher avec une succession de femmes (une amie mère de famille, une étudiante, Anri elle-même, son ex-femme et une infirmière) tout en essayant de leur prendre de l’argent. On suppose que c’est pour financer un futur projet de film mais la réalité sera plus sombre…

J’en ai presque fini avec le projet Roman Porno Reboot. Après ce Aroused by Gymnopedies, il ne m’en restera plus qu’un à découvrir. Avec le recul, je m’aperçois que je n’ai aucune envie de revoir le film de Shiota et encore moins celui de Sono. Celui de Nakata continuant de me laisser un souvenir assez plaisant, il est probable que je le revoie un jour. Et à lui doit s’ajouter maintenant Aroused by Gymnopedies, film qui m’a pleinement convaincu, et pas seulement à cause de sa galerie de magnifiques bijins.

Les « hostilités » commencent dès les premières minutes du film, avec cette sympathique voisine aguichant le personnage principal en train de l’observer de sa fenêtre. Quel tempérament !

D’abord, le film baigne dans une mélancolie un peu inhabituelle dans un roman porno. Shinji, au début pas vraiment sympathique, fait peu à peu sentir au spectateur qu’il a un terrible secret lié à sa femme.

Shinji, un personnage torturé qui va trouver un remède consolatif dans l’exploration de certaines muqueuses.

Et quand retentissent les Gymnopédies de Satie, alors qu’il fait l’amour un peu brutalement à une de ses rencontres, on sent que le quinquagénaire souffre d’un amour perdu, amour qui est à relier avec le piano poussiéreux qui trône dans une des pièces de sa maison. Bizarrement, malgré la froideur et l’impassibilité du personnage, on commence à ressentir de l’empathie, voire une certaine sympathie pour lui, et le suivre dans son périple érotique devient tout à fait intéressant.

Ça commence doucement, de manière banale, avec une scène dans un love hotel.

D’autant que Yukisada a su conférer à ce périple une certaine originalité de ton, alternant sérieux, WTF ? (la voisine au début du film et l’infirmière à la fin) et humour (la conférence ratée lors de la rétrospective consacrée à Shinji dans un petit cinéma de quartier), le tout accompagné par une certaine recherche visuelle rendant les scènes érotiques à chaque fois différente de la précédente et agréable à regarder.

De l’inconvénient de baiser dans un hangar désaffecté.

Et puis, il y a ce côté « la Ronde », cette pièce d’Arthur Schnitzler (adapté au cinéma par Max Ophuls). Dans la pièce, un personnage A rencontrait un personnage B et faisait l’amour avec lui. Ils se quittaient, le B reprenait son chemin et rencontrait C. Ils baisaient, C repartait et rencontrait D, etc. A la fin G (ou H, je ne me souviens plus du nombre de personnages) retrouvait A, bouclant ainsi la boucle. Il y a un peu le même procédé dans Aroused, à la différence que l’on a un seul personnage masculin (A) qui va rencontrer à la suite différentes femmes. Cela va être une ronde un peu chaotique, certaines apparaissant une seule fois, d’autres apparaissant, disparaissant de la danse puis refaisant leur apparition.

Parmi elles, Yuka et sa langue bien pendue reviennent deux fois, pour le plus grand plaisir du spectateur.

A la toute fin, la boucle sera là aussi bouclée puisque en revenant à sa maison après quelques jours de découchages anarchiques, Shinji tombera de nouveau sur sa voisine et surtout sur son piano, incarnation de son mal lié à une femme. La structure est simple mais parfaitement efficace pour un film soumis à la règle propre au roman porno de la durée n’excédant pas 80 minutes.

Infiniment moins baroque que le film de Sono, Aroused n’en est pas moins plus attachant. L’exploration intérieure de Shinji, associée à celle des personnages féminins qu’il rencontre et accompagnée d’une photographie élégante et de la musique de Satie, suffit à combler l’amateur de roman porno. Et tant pis si les actrices sont moins girondes qu’Ami Tomite, même si leur plastique…

… donne tout de même une furieuse envie de mettre la main à la pâte !

7,5/10

Au dortoir des infirmières, les doigts sont poisseux (Yoshihiro Kawasaki – 1985)

Mayumi et Noriko, deux jeunes infirmières, ont bien des soucis dans leur dortoir : comment tromper la vigilance de leur cheftaine Yoshie, peu encline à les laisser rencontrer leurs amants dans leur chambrette ? Heureusement pour elles arrive pour leur prêter main forte une nouvelle recrue, Yuki, dont on comprend que la légende qui l’entoure vient sans doute de son caractère très déluré…

Imaginez : vous vous attardez connement au milieu du carrefour de Shibuya pour faire un selfie, ne voyant pas un taxi qui arrive à toute berzingue et qui vous percute. Vous êtes envoyé recta à l’hôpital le plus proche ou un médecin, le docteur Daimon Michiko vous opère et vous remet d’aplomb. Le soir, dans votre chambre d’hôpital, un peu dans les vapes à cause des anti-douleurs qu’on vous a fait prendre, vous distinguez vaguement une créature en blouse blanche s’approcher de votre lit. Elle vous met un thermomètre dans la bouche. Elle sent bon. Elle reprend le thermomètre, l’inspecte, le pose puis déboutonne tout à coup sa blouse et plaque sa poitrine sur votre visage pour faire paf paf !

Oui, paf paf !

A cet instant vous vous réveillez car ce qu’il s’est passé n’appartient évidemment pas à la réalité. Vous avez juste rêvé après avoir vu la veille un roman porno de type « kango », comprenez un roman porno avec tout plein d’infirmières sexy dedans.

Après m’être enquillé à la suite trois saisons de Doctor X, j’éprouve le besoin de faire une petite pause tout en poursuivant ma plongée en milieu hospitalier, mais cette fois-ci du côté du dortoir, avec ce kango :

看護女子寮 いじわるな指 (Kango joshiryô: Ijiwaru na yubi aka Le Dortoir des infirmières : doigts poisseux)

Après les précédents roman porno arty de Kumashiro, on se relaxe, le film du jour est, comme on dit, sans prétention. Si l’aventure vous tente, n’hésitez pas et accompagnez le bon doktor Olrik pour ausculter cette perle.

Non, n’insistez pas, c’est moi qui tient le stéthoscope !

Point d’horrible bondage ici, encore que Yoshie cache une étonnante facette de sa personnalité. Par contre beaucoup de matage à signaler :

Glp !

Forteresse en carton, le dortoir attire les amants en puissance comme des mouches, du petit ami sans emploi au médecin en passant par l’inspecteur de police, inspecteur qui fera d’ailleurs une bien étrange inspection à un moment du film :

Flic, un métier d’avenir.

On pourrait croire que ces infirmières sont toutes des Marie-couche-toi-là sans déontologie, pas très soucieuses de leur travail. Et pourtant entre la visite aux patients, les réunions avec les médecins pour voir les dossiers chauds du jour, ou même le temps utilisé à passer l’aspirateur, on peut comprendre tout le plaisir qu’elles ont en fin de journée à se détendre au bain ou à rencontrer leur amant en loucedé.

 Si possible sur un lit circulaire et rotatif dans un love hotel.

On le devine, les journées sont longues, parfois tendues…

Et il faut bien les innombrables sourires de Yuki (Jun Izumi montre dans ce film autant ses seins que ses dents – qu’elle a fort blanches -) pour donner du courage à ces chères petites qui se retrouvent constamment exposées aux voyeurs via la petite fenêtre de la salle de bain, et en ce moment même au regard lubrique des lecteurs de Bulle de Japon :

KYAAAA ! YAMETE !

Comédie légère, Le Dortoir des infirmières ne risquera pas de vous flanquer un mal de tronche. Mais si cela est le cas, alors que vous le matez sur un portable dans une chambre d’hôpital, appelez une infirmière pour qu’elle vous file un doliprane. Qui sait ? On peut rêver…

5/10

Le meilleur moyen de voir le film est de se procurer l’édition chez Impulse compenant les sous-titres anglais.

 

Désirs humides : 21 ouvreuses en scène (Tatsumi Kumashiro – 1974)

Hosuke (Akira Takahashi), un marginal, trouve un matin un portefeuille contenant 60000 yens. A lui une nouvelle vie. Dorénavant, il sera maquereau. Rapidement sa route croise celle de Meiko (Meika Seri) qu’il ne tarde pas à s’attacher et à convaincre de se faire strip-teaseuse. Puis le duo devient trio lorsque son ancienne maîtresse, Yuko (Yuko Katagiri) le retrouve d’abord courroucée qu’il l’ait trompée avec une autre, puis finalement convaincue par l’idée de faire sur scène avec Meiko un numéro de lesbiennes. A côté de cette histoire, le spectateur qui en 1975 a raqué un billet pour aller voir un film de Kumashiro, en a pour son argent puisque le film est régulièrement ponctué de scènes de strip-tease. A lui de s’en mettre plein les mirettes avec notamment un numéro de masturbation avec dégoulinade de cire chaude sur les nichons, et danse érotique toute en uterina furiosé dans laquelle le but est de se trémousser en se coinçant un boa en plumes d’autruche au niveau du berlingot. Aux spectateurs (ceux de la boite de strip-tease et ceux du film) de ne pas en rater une miette pour assister à l’instant où ledit berlingot apparaîtra fugitivement !

 

濡れた欲情 特出し21人 (Nureta yokujo: Tokudashi nijuichi nin)

Long résumé cette fois-ci, mais ce film le mérite : il fait partie des rares roman porno a avoir bénéficié d’une diffusion dans nos contrée à la fin des années 90, à une époque où le cinéma japonais était facilement visible sur nos écrans. Du coup le titre français n’est pas de mon invention, il s’agit bien du titre d’exploitation du film en France. Tirons notre chapeau au passage à la personne qui a cru bon de rester fidèle au titre original et ainsi de restituer la fraîcheur imagée des titres de roman porno. Je me souviens d’ailleurs qu’à cette époque, alors étudiant à Tours et allant trois à quatre fois au cinéma par semaine (Ah ! « Les Studio » !), le titre m’avait interpellé. Désirs humides : 21 ouvreuses en scène : était-ce bien sérieux ? Et en séance unique un lundi soir, en deuxième partie de soirée ?! J’ai hésité à m’y rendre et puis j’ai lâché l’affaire. En y réfléchissant je me dis que j’ai bien mal fait car c’eût été l’occasion unique de voir sur grand écran un numéro de lesbiennes entre Yuko Katagiri et Meika Seri, numéro plein de fièvre et de cyprine allant jusqu’à utiliser godemichet en forme de masque de tengu ! Bref, du tout bon.

Plus sérieusement, ce roman porno, tout comme le précédent évoqué la semaine dernière, fait partie des roman porno à voir dès que l’on est intéressé par des films érotiques avec une personnalité. Les connaisseurs trouveront peut-être une ressemblant avec un autre film de Kumashiro, Sayuri la strip-teaseuse, et ils feront bien car en plus de cette scène de strip-tease à la cire (numéro fétiche de Sayuri Ichijo dans l’autre film), on entend à un moment une chanson paillarde déjà entendue dans Sayuri (à noter une bande son acrocheuse. Outre cette chanson aux sonorités traditionnelles, notons la chanson fétiche de Meiko Kaji dans sasori qui est constamment fredonnée par différents personnages), une chambre de love hotel avec un lit circulaire (donnant lieu à peu près à la même scène : un couple s’y ébat tout en parlant), et surtout un rythme narratif un peu chaotique, ne cherchant pas forcément à plaire au spectateur en lui présentant une histoire confortable avec une juxtaposition claire de scènes alternant avec des scènes de fesses. C’était un peu le cas avec Sayuri et Les Amants mouillés, cela aggrave avec 21 Ouvreuses. Une des premières scènes nous montre Hosuke dans le quartier d’Osaka de Kamagasaki , en train de siffler un verre à une échoppe. L’opération finie, il pose son verre, reprend son chemin, puis s’engouffre subitement en courant dans une ruelle afin de faire le pâté de maisons et revenir au niveau de l’échoppe (action qu’il reproduira plus tard dans le film). Incongruité qui ne donne pas d’explication et qui donne le ton du film. Le spectateur sera face à une intrigue en liberté qui fait fi de toute rationalisation. Ce n’est pas non plus aussi barré que la Marque du tueur, mais c’est parfois un peu déroutant, Kumashiro jouant de l’absence de repères temporels et spatiaux pour clarifier l’intrigue, usant parfois abruptement de panneaux pour baliser le déroulement de l’intrigue :

Et encore, quand je dis « baliser », c’est un peu à la Flaubert puisqu’il s’agit ici d’un laconique « le temps passa ».

Pour le spectateur désireux d’avoir une histoire parfaitement intelligible, c’est assurément la limite du film. Mais pour celui qui aime à être perdu dans une œuvre sortant des sentiers battus, c’est évidemment tout le charme, charme qui s’associera par ailleurs au charme des actrices :

Avec notamment un joli rôle donné à Yuko Katagiri, rôle qu’elle endosse avec détermination. A vérifier avec d’autres films dans lequel il joue, mais il est probable que c’est dans 21 Ouvreuses que l’on trouve son personnage le plus intéressant).

Charme des numéros mettant en rut des spectateurs s’approchant au plus près afin de voir pour de vrai les parties intimes de vraies femmes (le terme de « ouvreuse » pour le titre est d’ailleurs bien choisi puisque les numéros de strip-tease se résume bien souvent à « ouvrir » les cuisses pour « montrer ») :

Vous avez été sages, hop ! un gif !

Charme des intervention de Bunmei Tobayama, acteur de théâtre de rue dont le jeu outrancier dans sa dramatisation fait un contre-point comique aux déboires des personnages du film :

Charme de cette imagerie volontiers cocasse dont use Kumashiro. Yuko est-elle prise d’une envie de pisser que l’on assiste à l’opération alors que l’on n’en demandait pas tant :

Deuxième gif ! Et un troisième est caché dans l’article ! Sauras-tu le trouver ?

Enfin charme de cette manière de peindre les femmes volontiers capables de se jouer des hommes. La patronne d’une troupe de strip-teaseuse enverra balader le directeur d’une salle de spectacle parce qu’il a trouvé qu’elle n’avait pas assez montré ses partie intimes lors d’un numéro. Yuko et Meiko diront à Hosuke qu’après tout, elles peuvent se débrouiller toutes seules et qu’il peut partir. Enfin le même Hosuke se fera bêtement trahir par une jeune femme rencontrée dans la rue. Lui donnant l’occasion de la limer entre deux portes (pour la patronne de la troupe, c’est plutôt entre deux rideaux) et lui faisant croire qu’elle accepte de le rejoindre en tant que mac, elle lui faussera compagnie tout en le balançant au passage auprès de la flicaille.

 

Si les personnages féminins peuvent apparaître parfois un peu dérisoires, il faut bien reconnaître que les abrutis du film sont bel et bien les hommes, comme ce personnage, le mari de la patronne de la petite troupe, qui s’englue dans un code d’honneur yakuza et qui commettra à la fin une action violente achevant de faire de 21 Ouvreuses un film décidément imprévisible, recelant jusqu’à la fin de petites surprises à découvrir :

A l’image finalement de celles dans l’entre-jambe que les strip-teaseuses font miroiter.

7,5/10

Comme pour Les Amants mouillés, Désirs humides : 21 ouvreuses en scène a bénéficié en 2018 chez Happinet d’une belle édition en blu-ray, restituant à  merveille les scènes colorées dans les différents boites de strip. Le tout évidemment sans sous-titres. Pour le voir en français, je signale la page d’un collègue comprenant un petit fichier qui doit permettre de mieux comprendre cette obscure histoire de gambettes constamment levées.

 

 

Les Amants mouillés (Tatsumi Kumashiro – 1973)

Jeune homme en cavale après avoir tué un yakuza, Katsu échoue dans son village natal pour essayer de vivoter incognito en attendant que l’orage passe. Epongeur de foutre dans un cinéma porno, il ne reste pas insensible au charme de la patronne, même si la relation n’a pas l’air  d’aller plus loin que de simples parties de jambes en l’air expédiées à la va-vite dans la cale d’un chalutier. Un jour, il croise la route de Yuko et de Mitsu, surpris à forniquer dans des fourrés. Il les mate sans retenue, se fait tabasser par Mitsu, mais très vite une étrange amitié va s’instaurer entre les trois personnages…

 恋人たちは濡れた (Koibito-tachi wa nureta / Lovers are wet / Twisted path of love)

Avec la récente opération Roman Porno Reboot, on se demandait à quoi pouvait ressembler un hommage décent au genre, comprenez qui reprend certains de ses motifs tout en conservant la part d’expérimentation permettant à un réalisateur de lui insuffler un quelque chose propre à faire d’un simple film érotique un objet filmique intéressant. A mon sens, Sono et Shiota s’y sont cassés les dents, s’essayant à une audace formelle ou narrative un peu trop appuyée et au final décevante (et épuisante dans le cas de Sono).

Et pourtant, quand on voit ces Amants mouillés de 1973, on se dit que c’était alors tout con de faire un roman porno satisfaisant aussi bien dans son érotisme que dans son approche auteurisante pour en faire quelque chose de marquant. Vraisemblablement influencé par les films d’Oshima, Kumashiro réalise un film dans lequel les personnages apparaissent comme des histrions anticonformistes et sans illusions sur le monde. Katsu peut tringler sa patronne, cela ne débouchera sur aucun sentiment envers elle.

La patronne derrière son comptoir (et qui a manifestement oublié de remettre ses frusques après ses ébats avec Katsu)

De même, lors de sa rencontre avec Yuko et Mitsu en train de copuler en pleine nature, son voyeurisme nonchalant montre combien sa conduite se fait dans l’instant sans aucune préoccupation de ce qui peut être bienséant ou non de faire. Plus tard, lorsque le couple lui présentera une potentielle petite amie, il mettra rapidement fin à une discussion intime dans un bosquet en la violant à même le sol.

Pas bien malin, on se retrouve après avec le cul fripé et terreux.

Quelques scènes plus tard, rebelote avec la même, cette fois-ci sur le sable :

Oui, on aime à se salir en pleine nature dans Les Amants mouillés.

Personnage n’éprouvant aucun intérêt pour son passé (lors de son retour à son village, il ne ressentira même pas le besoin de recontacter sa vieille mère), n’ayant aucun intérêt pour son avenir, il ne voit que l’instant présent pour donner un semblant de sens à sa vie. Ce « sens » prend donc la forme de copulations diverses et variées, mais aussi de chansons paillardes interprétées en public sous le nom de scène de Sex Animal, devant un public de marins pêcheurs circonspect :

Oh yeah !

… ou encore en faisant dans les dunes une partie de strip saute-moutons avec ses deux amis :

 

Quelques screens pour vous donner envie de pratiquer entre amis ce jeu auquel on ne pense pas assez.

Scène marquante par son idée, par sa longueur (il le font jusqu’à épuisement) mais aussi par son usage d’un double cache pour censurer la toison de Rie Nakagawa. Sur certains plans on voit clairement qu’un filtre flouté a été utilisé. Mais Kumashiro ne s’en est pas contenté, grattant directement la pellicule pour obtenir un machin blanc qui, associé à un troisième type de masque pour censurer :

WTF ?!

… contribue assez à montrer l’ironie de Kumashiro envers la censure mais aussi combien son intérêt se porte davantage sur la peinture de ces êtres un peu vides mais attachants, que sur l’éroticisation de leur morne quotidien. Je crois que c’est dans le bouquin de Weisser que l’on trouve cette phrase qui lui est attribuée : « mes films parlent de personnes, pas de biologie ». La biologie est cependant bien présente, mais il est vrai qu’en comparaison avec d’autres roman porno, l’amateur de scènes affriolantes jouant de la plastique avantageuse de starlettes de la Niquatsu en sera peut-être pour ses frais avec ces maudits caches. Reste tout de même chez Kumashiro un certain sens de la composition qui permet encore une fois de rendre marquantes certaines scènes.

La meilleure : Katsu faisant le peeping tom… à un mètre de sa cible !

Le film pourra ne pas plaire, on pourra trouver un peu prétentieuse et vaine cette expérimentation auteurisante louchant sur le cinéma d’Oshima. Mais si on est un peu lassé des facilités, des répétitions propres au genre du roman porno, nul doute que Lovers are Wet apparaîtra comme un de ces titres ayant contribué à l’intérêt du genre.

Il existe plusieurs éditions des Amants mouillés, d’abord en DVD chez Kino, avec des sous-titres anglais. Sinon, si l’absence de sous-titres n’est pas un problème, signalons la réédition, en blu-ray s’il vous plaît, chez Happinet.

7/10

 

J’allais oublier sinon : à tous…

Akemashite omedetou !

Antiporno (Sion Sono – 2016)

Descente dans la psyché d’une jeune femme (Kyoko)  s’imaginant tour à tour modiste, actrice dans un film érotique (ou porno, on ne sait pas très bien), et ressassant ses traumatismes liés à un viol quand elle était lycéenne, au suicide de sa sœur ou encore au puritanisme hypocrite de ses parents. L’ensemble est balancé dans un shaker et servi frais par un Sono, bien décidé à ne pas servir une boisson comme les autres dans le cadre de l’opération Roman porno Reboot.

アンチポルノ (Anchiporuno)

En effet, comme le titre l’indique, il ne s’agit pas ici de proposer un roman porno comme les autres, bien dans les clous, avec une ou plusieurs actrices girondes, une intrigue limitée et une scène de sexe toutes les dix minutes. Si on visionne Antiporno dans cette optique-là, on en est très vite pour ses frais. Certes, c’est mignon de voir Ami Tomite danser en nuisette sous un air de Chopin, mais on comprend assez vite qu’en dehors de sa nudité ponctuelle, Sono ne cherchera pas vraiment à exploiter un potentiel érotique lié à la plastique des actrices. En dehors des formes de Tomite (dont les rondeurs contrastent avec les formes plus élancées des actrices vues dans White Lily et  Wet Woman in the wind), on ne peut pas dire que les actrices d’Antiporno correspondent aux canons du roman porno. Témoin Mariko Tsutsui, 55 ans et pas vraiment connue pour des rôles dénudés, ou encore les horribles personnages secondaires (l’éditrice, la photographe et ses deux assistantes affublées d’un gode michet).

Bref, Antiporno se veut un film moins sensuel que cérébral. Ou alors, si sensuel il y a, c’est moins à rattacher à la libido qu’à une orgie plastique de formes et de couleurs comme Sono en est capable. A ce titre, le film a un côté barnum qui rappellera aussi bien Strange Circus, Guilty of Romance et Tag. La couleur rouge des toilettes de l’appartement de Kyoko n’est pas non plus sans rappeler le décor d’un des tout premiers courts métrages de Sono, Keiko desu kedo. C’est coloré, alternant le chromatisme criard de l’appartement de Kyoko avec des flashbacks renvoyant au passé de la jeune femme, flashbacks visuellement plus doux. On retrouve le petit truc de la peinture qui gicle (vous ne vous souvenez pas ? Comment avez-vous pu ?) mais cette fois-ci puissance dix, puisque l’héroïne se retrouve aspergée de plusieurs pots qui se déversent sur elle du plafond :

Certes, c’est assurément du jamais vu au cinéma. Après, on peut être mesuré face une scène qui semble n’être là que pour justifier une esthétique du « toujours plus ». Et puis, le problème avec la peinture faite d’une multitude de coloris, c’est qu’à un moment cela devient une bouillie infâme :

Sans aller jusqu’à dire qu’Antiporno est faite de la même boue, je dois bien reconnaître que le film m’est parfois apparu comme une resucée plus ou moins digeste d’autres films de Sono, dans son esthétique donc, mais aussi dans son propos puisque, comme Tag avait pu le faire, on se retrouve avec un personnage à travers lequel le spectateur va avoir droit à un propos sur la condition féminine au Japon, avec une liberté pour elle qui n’est qu’apparente. La petite originalité est de montrer que les femmes peuvent être complices de la domination masculine en se comportant comme des violeuses, aussi bien physiques que psychologiques (ainsi le personnage joué par Tsutsui, tout à tout victime du sadisme de Kyoko puis bourreau, n’hésitant pas à humilier Kyoko devant un public d’hommes – on évitera ici d’expliquer comment ce retournement est possible). Mais pour le reste, on se sent beaucoup trop en terrain connu pour ressentir de l’originalité. A noter tout de même un dialogue savoureux lors d’une scène familiale mais là aussi, la représentation de la famille comme un lieu pudibond et déviant n’est guère originale dans le discours de Sono.

Papa et maman font des choses.

De même celui sur l’industrie du sexe. Pourtant on pouvait espérer que Sono allait avoir quelque chose d’un peu plus neuf à formuler dans sa vision de l’esthétique du roman porno, notamment dans ce qu’il permet artistiquement. Mais non, c’est très flou en fait. Sono ne semble pas faire la distinction entre un film érotique et une JAV, et on se retrouve donc avec une scène d’audition dans laquelle Kyoko parle face à un public d’hommes forcément antipathiques et dominateurs. Quand on songe à certains romans pornos qui s’étaient essayés à représenter des tournages de films érotiques (comme Black Rose Ascension, avec Naomi Tani), il y avait peut-être moyen de faire quelque chose de plus nuancé. Mais pour cela aussi, le titre du film annonçait finalement la couleur.

Finalement, je pense que je préfèrerais Whispering Star, film qui pourrait apparaître comme un « anti-Antiporno ». Les deux présentent un personnage féminin coincé dans un espace (un vaisseau spatial pour le personnage de Megumi Kagurazaka, un apprtement pour Kyoko). L’une est quasi muette, l’autre hystérique. L’une est tout le temps habillée, totalement désexualisée, l’autre n’hésite pas à déballer une plastique faite pour satisfaire l’amateur de roman porno. Whispering Star est lent, étiré dans sa quasi absence d’intrigue, Antiporno est condensé et rythmé par ses succession de séquences et ses flashbacks. L’un est en sépia, l’autre arbore un univers chamarré et agressif. Deux esthétiques différentes, deux tentatives de se renouveler mais des deux, celle concernant Whispering Star apparaîtra comme la plus courageuse et la plus authentique car ne faisant penser à aucune des précédentes œuvres de Sono. On se posera la question de l’ennui car Whispering Star n’apparaît pas vraiment comme un film trépidant, c’est vrai. Néanmoins j’en arrive au point où je commence à ressentir un peu d’ennui face aux films dans lesquels Sono « fait du Sono », c’est-à-dire en nous balançant à la gueule un pot de peinture accompagné des cris hystériques des personnages et d’un enrobage de musique classique, le tout pour un discours féministe déjà entendu.

Bref, vous l’aurez compris, petite déception en ce qui me concerne que ce Antiporno. Et petite déception jusqu’à présent pour l’opération Roman Porno Reboot, même s’il me reste à voir Dawn of the felines et Aroused by Gymnopedies. Pour l’instant, mon classement par ordre d’intérêt suit celui de mes visionnages :

  1. White Lily (le plus académique et finalement celui que je reverrais le plus volontiers)
  2. Antiporno (surtout parce que Ami Tomite en tenue d’Eve, c’est quand même quelque chose).
  3. Wet Woman in the Wind (un peu foiré dans sa recherche d’originalité, avec un érotisme rappelant les tentatives absurdes de Kiyoshi Kurosawa dans ce domaine).

Wet Woman in the Wind (Akihiko Shiota – 2016)

Kosuke Takasuke est un théâtreux qui a décidé de quitter la ville pour aller s’enterrer dans une cabane, loin du bruit et des femmes. Pas de chance : il croise un jour une étrange jeune femme, Shiori, qui semble bien décidée à faire exploser ce subit vœu de chasteté…

Wet Woman in the Wind (風に濡れた女)

Akihiko Shiota, c’est un peu comme Nakata : voilà un réalisateur qui a commencé sa carrière avec des films véritablement personnels (Gips, Harmful Insect, Moonlight Whispers) avant de se commettre dans des productions plus mainstream (Dororo, I just wanna hug you). Le voir participer au projet Roman Porno Reboot éveillait donc la curiosité, avec l’espérance de le voir revenir à quelque chose de plus intéressant. En ce qui me concerne, il y avait aussi la curiosité de voir un autre film de la série du Reboot afin de pouvoir comparer avec le White Lily de Nakata, présenté comme le plus sage et respectueux des codes du roman porno.

Sur ce dernier point, je n’ai pas été déçu. Dès les premières scènes, on pense à un Kyoshi Kurosawa qui aurait décidé de revenir à ses premiers amours en faisant de nouveau un pinku eiga. Le spectateur est plongé dans un univers d’où l’absurde peut jaillir à tout moment. Ainsi la première rencontre entre Kosuke et Shiori, cette dernière sur un vélo et fonçant à pleine vitesse dans un fleuve.  Elle en sort évidemment trempée comme une nouille de soba et entreprend d’essorer sans façons son t-shirt, exhibant ses seins sous les yeux de Kosuke.

Et le visage n’est pas non plus des plus vilains.

Quand on apprend plus tard que ce dernier a décidé de ne plus frayer avec le beau sexe, on se dit que cette scène inaugurale résonne comme le programme de ce qui se joue en réalité dans l’esprit de Kosuke. En apparence serein et indifférent aux sirènes du beau sexe, en réalité ne pensant qu’à « ça ». Et la sécheresse foutraque de sa pauvre baraque aura bien du mal à contrer les assauts d’humidité cyprinesque que les différents protagonistes féminins entreprendront. Shiroi donc, mais aussi une collègue de sa troupe de théâtre venue avec ses étudiants pour profiter de ses conseils et l’inciter à revenir, enfin une étudiante à poitrine plate mais qui saura titiller la libido du metteur en scène.

Le tiercé gagnant du film.

Intrigue minimaliste donc, qui donnera lieu à des situations incongrues et à une densité accrue des scènes de fesses au fur et à mesure que la fermeté de Kousuke se fissurera. Cela culminera avec un final de dix minutes assez réjouissant et émoustillant pour les yeux.

Mais que diable peut-il bien se passer dans cette minable cabane ? Chut !

Après, difficile, une fois le film achevé, de ne pas se poser des questions sur ce que l’on vient de voir. Wet Woman in the Wind est-il finalement un roman porno ? Il n’y avait aucun doute à cette question après avoir vu White Lily. Mais là, avec cette ambiance à la Kiyoshi Kurosawa, cette absurdité qui détonne avec les productions antérieures, on se dit que l’on est plus face à un de ces pinkus sortant des sentiers battus ayant été réalisés depuis les années 2000, qu’à un film érotique supposé rendre hommage au roman porno. Le film est plaisant à suivre mais doit-on se réjouir du fait qu’il bouscule plus les codes du genre que n’a pu le faire Nakata avec son White Lily ? Pour ce point ce sera à chacun de se faire son opinion. Après, il ne faut pas non plus oublier que le roman porno a été un terrain fertile dans lequel des touche-à-tout ont pu composer avec une multitude de thème, de pratiques sexuelles, le tout sur un mode dramatique, tragique ou comique. A la base il y avait déjà ce genre très codifié qui en même temps permettait toutes les libertés et du coup, il n’est pas incohérent non plus de se retrouver avec un Wet Woman in the Wind décallé, donnant même parfois l’impression de mettre en abyme le roman porno lui-même. C’est en tout cas le sentiment que j’ai eu lors du final durant lequel les trois donzelles sont plongées chacune de leur côté dans une séance endiablée de galipettes. La frénésie de ces scènes ainsi que leur imagination, profitant du moindre élément de décor pour relancer l’attention du spectateur alors que ce dernier aurait pu très vite se lasser (sentiment, il faut hélas bien le dire, souvent ressenti lors du visionnage d’un roman porno), peuvent en effet évoquer la frénésie du tournage d’un roman porno devant souvent se tourner en moins d’une semaine. Le tout avec des personnages masculins pas forcément inexistants mais faisant la part belle à leurs homologues féminines, les principaux personnages des histoires du genre. Dans Wet Woman, cette distinction est marquée par l’insignifiance des quatre étudiants, copies conformes (même pantalon, même chemise blanche et même coupe de cheveux) de Kousuke, tandis que les trois personnages féminins incarnent trois degrés du désir érotique (le plus volcanique étant celui incarné par Shiori), tous singularisé par une plastique et une apparence – disons graphique – particulière.

Ajoutons à cela que l’extrême simplicité du scénario peut aussi être vue comme une manière de souligner malicieusement cette caractéristique des roman porno de proposer une intrigue rudimenatire et que le fait que le harceleur du film soit une harceleuse permette là aussi de jouer avec un lieu commun déjà vu maintes fois dans le genre.

Bref, tout cela constitue un sel qui pourra faire plaisir au spectateur, même si ce dernier pourra parfois avoir aussi l’impression d’un film légèrement poussif. Je ne pense pas qu’il sera mon roman porno préféré de cette fournée reboot, mais enfin, il est probable que je le revoie un jour, ne serait-ce que pour apprécier sa belle photographie mettant en valeur le corps de Yuki Mamiya (à noter que les actrices sont toutes séduisantes et convaincantes dans leur rôle) :

Pour ceux qui hésiterait encore à voir le film, un petit coup de pouce : un page du magazine FLASH montrant Yuki sortant du bain. Rincez-vous bien l’oeil, c’est cadeau.

La voir juchée sur son vélo dévaler une pente, barboter dans l’eau avant de l’admirer poitrine au vent essorer son t-shirt a de quoi parler à l’esprit du spectateur mâle. Rien de plus universel car souvenez-vous, comme le chantait Elton :

♫ Like a wet woman in the wind ♫

En attendant de voir un troisième film de l’opération Reboot, j’ai en tout cas très envie de voir la môme Yuki dans The Torture Club et Crawler in the Attic. Affaire à suivre pour un prochain article.

 

 

White Lily (Hideo Nakata – 2016)

Une année après leur sortie au Japon, il est temps maintenant de songer à faire un retour des cinq films chargés de faire l’opération « Roman Porno Reboot » de la Nikkatsu. Commençons avec White Lily, de Hideo Nakata :

Après la mort tragique de son mari, Tokiko, une potière réputée, continue de vivre dans son atelier et à donner des cours à des élèves en compagnie de Haruka, jeune femme qu’elle a recueilli à l’époque de son mari et avec laquelle elle entretient désormais une liaison. Mais de tempérament volage, cela ne l’empêche pas de tomber dans les bras d’un homme quand ça lui chante. Ainsi, quand arrive un beau jeune homme à qui elle propose de vivre chez elle le temps de son apprentissage, Haruka commence sérieusement à paniquer…

A priori, rien de commun avec le réalisteur de Ring et de Dark Water avec des films de fesses et pourtant, ce serait oublier que des cinq réalisateurs choisis pour l’opération Reboot, il est sans doute celui qui connait le mieux la geste nikkatsesque du film rose. Il a en effet  réalisé un documentaire sur la question, Sadistic & Masochistic, et, surtout, a été dans sa jeunesse l’assistant de Masaru Konuma, un des maîtres du genre. Bref avec un tel pedigree, on peut penser que Nakata a dû se sentir tout auréolé d’un immense honneur d’avoir été choisi pour réaliser un film.

Tourner des scènes de cul avec de magnifiques actrices, je kiffe !

Honneur et respect car au visionnage de ce White Lily, on sent qu’il n’a pas été question pour lui de faire quelque chose de neuf et de radical. Inspiré d’un film de Konuma sur le lesbianisme (Lesbian World : Ecstasy), le film exploite la thématique sur le schéma du triangle amoureux constitué d’un jeune homme et de deux femmes dont l’une expérimentée, triangle largement éprouvé dans les roman porno (je songe à Kashin no Irezumui : Ureta Tsubo). J’ai pu voir pas mal de critiques lui reprochant son aspect sage, très éloigné des approches plus audacieuses (notamment Sono avec Antiporno) effectuées par les autres réalisateur du Roman Porno Reboot. Cela a du sens si l’on considère que ces nouveaux films se devaient forcément de repousser les codes du genre, mais après, si l’on a juste envie de s’asseoir confortablement dans son canapé pour voir un roman porno qui n’invente rien mais qui se contente d’utiliser avec application des recettes éprouvées, avec des acteurs  convaincants et des scènes érotiques bien réalisées, White Lily peut suffire à votre plaisir.

Et si les horribles scènes de poterie dans un certain film de Sono vous ont dégoûté de cet art ancestral, c’est l’occasion de le réhabiliter à vos yeux en admirant la confection d’un objet sous les doigts graciles d’une bijin.

Pour reprendre une expression à la mode (seule et unique fois sur ce site, promis !) : Nakata a fait le job. Sans doute les autres réalisateurs ont-ils pris plus de risques, mais son White Lily n’a rien de déshonorant et est même plus intéressant qu’une pléthore de roman pornos réalisés autrefois. Nakata a très bien choisi ses actrices, notamment Kaori Yamaguchi qui, avec ses 43 ans bien conservés, sait donner à Tokiko une séduction et une énergie sexuelle qui rend parfaitement crédible sa liaison avec un jeune homme qui pourrait être son fils.

A noter qu’en femme d’expérience qui à l’oeil, son personnage a vite fait de repérer combien l’agilité digitale de son élève peut être appliquée – avec bénéfice – à un autre type de vase.

Evidemment, on songe à Naomi Tani et sa plastique indépassable mais enfin, il fait reconnaître que Yamaguchi, avec un corps bien moins voluptueux que celui du glorieux modèle, charme favorablement les pupilles du spectateur. A cela s’ajoute des scènes de fesses particulièrement soignées, notamment celle donnant au film son titre. Le « white lily » en question, c’est évidemment la délicate fleur du sexe féminin que les deux femmes du film vont humer et lécher lors d’une scène baignant dans un blanc onirique et sur un sol recouvert de lys blanc. Là aussi, c’est un délire visuel parfaitement raccord avec ce qui a pu être fait dans certains vieux roman porno (1).

Le film fait 80 minutes (c’était un critère imposé par l’opération Reboot) et parvient à tenir éveillé l’attention du spectateur sans problème, alors même que les scènes érotiques sont en nombre limité. Il me reste à voir maintenant les quatre autres films pour pouvoir comparer mais White Lily peut d’ores et déjà apparaître comme une entrée en matière sage, faite d’un certain conservatisme mais d’un conservatisme à l’image des lys du film…

bien léché.

De quoi donner envie de voir d’autres films du genre signé Nakata, et si possible d’autre incursions de Kaori Yamaguchi dans l’univers du pinku.

7/10

(1) A comparer aussi avec le Lesbian World : Ecstasy de Konuma, qui possède peut-être une scène de ce type. Du reste je ne sais pas si White Lily est un hommage ou un remake de ce film.

 

Koji Wakamatsu midiminuiste

Quand il n’y a pas trop d’idées d’articles, il y a toujours la possibilité d’ouvrir la vieille malle numérique dans mon grenier pour y exhumer des documents rares et précieux. Les « midiminuistes » le savent, la rareté de la vieille revue Midi-Minuit Fantastique est devenue relative puisque les éditions Rouge Profond ont décidé, grâce à l’excellent travail de restauration de Nicolas Stanzick et Michel Caen, de ressortir l’intégralité de la collection sous la forme de lourds et somptueux recueils :

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Je possède les deux, je vous assure qu’ils sont du meilleur effet dans une bibliothèque.

Le volume 2 s’achève sur le numéro double 10-11, autant dire que l’on va devoir attendre encore un peu avant de voir rééditer ce numéro :

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Le n°21 d’avril 1970.

A priori l’ultime recueil (le 4ème volume) devrait paraît en 2017 mais comme le troisième, supposé sortir en octobre 2016, ne montre toujours pas signe de vie dans les rayons des libraires, ça sent un peu le méchant retard (je crois me souvenir qu’il avait fallu attendre un peu entre le tome 1 et le tome 2).

Bref, en attendant allons pour aujourd’hui à l’essentiel car, vous l’aurez compris avec le titre de cet article, ce n°21 possède rien moins que dix pages consacrées à Koji Wakamatsu. Il s’agit en fait d’une interview dans laquelle le réalisateur parle des conditions de tournage, de la censure, de l’importance accordée à l’image plutôt qu’au dialogue, etc. Evidemment, depuis 1970 les amateurs éclairés de cinéma japonais ont eu le temps de connaître le bougre a travers d’autres ouvrages ou une pléthore de sites spécialisés, reste qu’il est intéressant de voir qu’en 1970 certains passionnés s’étaient démerdés pour approcher le maître du pinku contestataire. Voici donc les scans de l’article. Pour autant que je m’en souvienne, je crois qu’ils venaient du blog bxzzines.blogspot.fr, blog hélas en état de vie végétative. Que son propriétaire en soit néanmoins remercié.

Dernière chose : pour en, apprendre plus sur la revue Midi-Minuit Fantastique, je signale ces deux émissions de Mauvais Genres qui lui sont consacrées :

Red Violation (Chusei Sone – 1980)

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Le train train quotidien du groupe de rock The Devils, avec ses disputes, ses difficultés financières, ses sessions d’enregistrements, ses concerts et ses groupies…

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赤い暴行 (Akai Bôkô)

Red violation est à mettre dans le même panier que Shinjuku Midaregai en ce sens que Sone cherche moins à multiplier les scènes libidineuses pour bien remplir le cahier des charges qu’à restituer une ambiance en rapport avec le métier et le quotidien de ses personnages. Dans Shinjuku Mideragai, c’était le quotidien de la tenancière d’un bar de la Golden Gai, ici c’est donc celui d’un groupe de rock talentueux mais encore loin d’être au sommet. On suit donc leur petite vie d’artistes de rock faite pour donner un plaisir immédiat à leurs groupies :

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Très loin du Shea stadium en terme d’hystérie.

… mais aussi à leur vie ordinaire, avec leur sérail de petites amies plus ou moins régulières, pour lesquelles de toute façon il ne serait pas sérieux de s’engager durablement avec un rocker à l’avenir incertain. Ainsi Fujito apprend-il cette dure réalité lorsqu’il s’aperçoit que sa copine semble le tolérer seulement pour la bagatelle, la jeune femme ayant en parallèle un autre plan avec une personne beaucoup plus sérieuse et prometteuse en terme de situation.

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Ultime affront lors de la scène de rupture : elle lui demandera de bien vouloir reprendre la photo de lui agrandie qu’il avait eu la vanité de lui offrir.

On voit assez que les relations hommes/femmes ne sont pas celles que l’on aurait pu craindre dans un film où il est question de rockers et de groupies. Pour ces musiciens, la sexualité est quelque chose qu’il convient de saisir lorsqu’une opportunité se présente avant de passer à autre chose. Pas une obsession qui aurait donné lieu à une multiplication de scènes lubriques, juste un aspect de leur vie qui contente tout le monde, hommes comme femmes. Ces dernières sont bien contentes d’avoir pour amant un membre d’un groupe de rock, c’est forcément un peu exotique, mais cela ne les empêche pas de ne se faire aucune illusion sur le devenir de ce groupe. Le leader Fujito peut expliquer à sa petite amie qu’un jour il remplira le Budokan, on devine que Sone ne va pas nous raconter une success story et que la fin sera plus douce amère. The Devils (par ailleurs groupe qui a vraiment existé) est destiné à incarner une phase de transition dans la vie de jeunes gens désœuvrés qui ont quitté l’université avec des rêves de gloire, et qui retourneront par la suite à une vie de petits boulots.

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Les quatre membres de The Devils.

Reste qu’ils apparaissent touchants dans leur esprit de sérieux lors des concerts, des sessions d’enregistrement en studio ou dans le processus de création, lorsqu’on voit Fujito chez lui enregistrer de nouvelles mélodies.

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Touchante aussi est le personnage de Mari, la principale groupie du film. La première scène nous la montre d’ailleurs dans son univers de jeune fille constitué exclusivement de mâles rockers et de cool attitude :

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Par la suite, son manteau rouge l’assimile à un petit Chaperon Rouge prête à se faire croquer par un grand méchant loup guitariste. Elle passera à la casserole lors d’une scène de viol (durant laquelle Sone se permet d’étonnants effets de montage qui ne sont pas sans évoquer Seijun Suzuki) mais le personnage n’est pas  là uniquement pour servir au spectateur la troisième scène de cul puisque son destin tragique permettra de mettre en relief le personnage falot de Fujito en laissant supposer un sentiment bien réel envers Mari la groupie.

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Si le film apparaît moins haut en couleurs que Shinjuku Midaregai, plus mou, il n’en reste pas moins une tentative à nouveau intéressante de la part de Sone dans sa volonté de se démarquer des habituelles productions de la Nikkatsu dans le genre du roman porno. Inutile de mater Red Violation en espérant vous en mettre plein les mirettes niveau scènes libidineuses. Elles sont au nombre de quatre (faible ration pour un roman porno) et filmées en un seul plan et en caméra fixe. Autant dire que Sone les expédie pour la forme, préférant sans doute la restitution d’un tout (les différentes facettes de la vie d’un groupe de troisième zone) à la mise en scène colorée et imaginative de scènes de fesses.

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While my guitar gently wheeps (mais pas de quoi non plus grimper au rideau)

Bref un roman porno à part et précieux de par sa volonté de faire une incursion dans le monde des petits groupes de rock japonais au début des 80’s, et de peindre, comme dans Shinjuku Midaregai, des personnages très « paumés du petit matin ».

6,5/10

Seigi no tatsujin nyotai tsubo saguri (Sion Sono – 2000)

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Namie est une experte dans l’art de la poterie. Mais ce que le quidam ne sait pas, c’est que la beauté de ses œuvres vient d’une technique particulière faisant appel à l’amour. Oui, l’amour de la glaise et même l’envie de la former en usant certaines parties du corps. En digne artisane, elle essaye de transmettre ses époustouflantes techniques à ses étudiantes. Malheureusement, lors d’un concours de poterie, Namie se voit ravir la première place par une sérieuse rivale, la bimbo Hikaru, qui possède elle aussi une technique particulière pour façonner ses vases…

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性戯の達人 女体壺さぐり (Seigi no Tatsujin Nyotai Tsubo Saguri)

Bon, procédons avec méthode. Tout d’abord, on ne niera pas que ce film peut être perçu comme une histoire toute à la gloire de l’artisanat japonais. On ne le dira jamais assez : les artisans là-bas sont des gens humbles et dont le soucis de perfection, l’imagination pour améliorer leur art n’a de cesse de provoquer admiration et respect. Et donc pour le cas où vous en douteriez, je ne peux que vous conseiller de voir Seigi no Tatsujin.

Cela étant dit, la deuxième chose que l’on ne pourra nier davantage est que ce film est tout à l’image de ce machin :seigi no tatsujin 2

une sombre bouse informe et visqueuse

Réalisé deux ans avant Suicide Club qui révéla Sono à l’international, Seigi no tatsujin fait partie de ces « pépites » que l’on déniche dans la 1ère période de Sono, pépites auxquelles seul le fan peut trouver de l’intérêt. Mal filmé, mal joué, répétitif, long dans ses scènes de cul, le film fait d’abord penser à un épisode de Minna Esper Dayo. A la différence que pour ce drama, les épisodes, calibrés pour durer 25 minutes, ne permettaient pas vraiment de s’ennuyer (c’est juste quand on se farcit la série en entier que ça devient un peu compliqué). Là, on a beau retrouver le même humour mélangeant l’érotisme au débile (chose en soi qui n’a rien de déshonorant, au contraire, depuis Go Nagai on sait combien le genre se porte bien), le goût bien connu de Sono pour les gros seins et les petites culottes (Seigi no tetsujin, film matriciel !? Je pose la question…), c’est chaud de le voir en une traite sans appuyer sur la touche « avance rapide ».

Pourtant, ce n’est pas faute de distiller des étapes dans la construction de l’ « intrigue », intrigue qui nous livre progressivement les coups spéciaux de ces femmes pour effectuer des poteries ultimes. Ça commence avec la fabuleuse technique de Namie consistant à imaginer des choses avec ses doigts graciles alors qu’elle est en train de donner forme à son œuvre :

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Déjà, on est admiratif (et songeur).

Mais toujours soucieuse de parfaire son art, Namie comprend que les doigts ne suffisent pas :

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Comme on le voit, il s’agit d’un atelier de poterie où règne une bonne ambiance.

Là, on se dit que Namie a atteint un niveau indépassable. Mais c’est mal connaître l’artisanat japonais où on risque à chaque instant de croiser son maître. Ainsi Hikaru qui utilise une technique incomparable et au résultat surpassant les créations de Namie :

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A l’arrière-plan, on distingue Sion Sono lui-même dans le rôle du mari et maître de Namie, et pour lequel le maître mot pour réaliser de belles poteries est « amour ». Précisons que Sono est assez mauvais dans le rôle, mais c’est sans doute fait exprès.

Où cela s’arrêtera-t-il ? En fait une troisième concurrente fera son apparition et vaincra les deux rivales grâce à sa technique de modelage par l’entrejambe. La parade pour ces dernières consistera à s’associer afin de combiner leurs fabuleuses techniques et surpasser la petite outrecuidante.

Voilà pour l’intrigue, donc. Intrigue ma foi riche en scènes légères mais encore une fois desservi par une complaisance en terme de durée et de laideur en terme d’image. On songe ici à ce que ferait Sono aujourd’hui sur le même sujet et avec les moyens qui sont les siens maintenant. Et on songe aussi à ce que pourrait donner ses roman porno à venir (pour rappel, il devrait s’adonner au genre pour la Nikkatsu qui cherche à ressusciter son ancienne gloire dans la polissonnerie). Sans doute bien frapadingues, à la manière de sa version cinéma de Minna Esper Dayo, mais si l’on prend en compte des films sombres et bien construits tels que Guilty of Romance, cela peut donner un mélange intéressant. Nous verrons bien.

En attendant, revoir ces vieux pinku pique un peu les yeux. L’intérêt est d’y voir ce cynisme évoquant une complaisance du cinéma à raffoler toujours plus de racoleur…

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Hystérie des membres du jury devant les oeuvres de la pulpeuse Hikaru mais aussi devant sa capacités à montrer ses aptitudes physiques durant le concours. Et croyez bien que ce n’est pas la scène la plus gratinée.

… mais aussi de voir déjà combien les hommes apparaissent dans son cinéma comme de fieffés pervers ne pensant qu’à ça, et les femmes comme de nymphomanes un brin vénéneuses n’hésitant pas à se jeter sur le premier puceau croisé dans une forêt pour lui faire sa fête :

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Un film hardi qui n’hésite pas à mettre la main à la pâte donc, mais pour ce qui est de l’intérêt dans la manière d’évoquer la sexualité, c’est à partir de Strange Circus que ça deviendra sérieux.

4/10